Deux secondes en moins

de Marie COLOT et Nancy GUILBERT

Dans la vie, on ne choisit pas tous les paramètres. On prend ce qui vient, pas vrai ?

Magnard, 2018, 302 p.
Magnard, 2018, 302 p.

Depuis qu'un accident de voiture l'a complètement défiguré, Igor se mure dans le silence. Sa rancune envers son père, responsable de l'accident, est immense, comme sa solitude. 

 

"Il paraît que j'ai du talent. Et il faut éviter que je perde la main puisque j'ai déjà perdu la face."

 

Rhéa sombre dans le chagrin après le suicide de son petit ami. Encore sous le choc, elle ne sait plus à qui ni à quoi se raccrocher dans la ville où elle vient d'emménager.

 

"Ce gros, cet immense chagrin qui m'étouffe."

 

Pour l'un et l'autre, tout s'est joué à deux secondes. Deux secondes qui auraient pu tout changer. ...

Et pourtant, Igor et Rhéa reprennent jour après jour goût à la vie en se raccrochant à la musique.

(4e de couverture)

Mon avis :

"Fred Randal m'a proposé de jouer à quatre mains avec lui. Il a apporté la partition de la fantaisie en la mineur de Schubert." (p.103)
"Fred Randal m'a proposé de jouer à quatre mains avec lui. Il a apporté la partition de la fantaisie en la mineur de Schubert." (p.103)

Quand la musique aide à surmonter un traumatisme.

Igor et Rhéa ont ceci en commun que pour l'un comme pour l'autre, "rien ne sera plus comme avant". Le drame qu'ils ont vécu, même s'il est différent, leur fait éprouver un mélange de chagrin et de colère qui les poussent à s'isoler. Igor, malgré ses reconstructions faciales, "ne se retrouve pas dans ces traits rafistolés" et de toute façon "mes blessures ne se soigneront pas d'un coup de bistouri supplémentaires". Il est en effet traumatisé à l'idée de remonter dans une voiture et fait payer cher à son père ces deux secondes d'inattention (au téléphone...) qui ont causé l'accident.

 

Rhéa de son côté est rongée par la culpabilité de ne pas avoir perçu le mal être de son petit ami ("Alex, personne ne l'a compris") qui a fini par se suicider car "ils ont voulu te faire entrer dans ces foutues cases". Dans un carnet où elle s'adresse à lui, l'adolescente "gratte furieusement ses impressions". Les chapitres alternent entre les deux points de vue de manière très fluide, presque haletante, et on est très vite embarqué par ces deux individualités qui vont bien sûr se rencontrer.

"Je lance la première Gymnopédie de Satie. Ce morceau, je le jouerai à Fred tout à l'heure." (p.86)
"Je lance la première Gymnopédie de Satie. Ce morceau, je le jouerai à Fred tout à l'heure." (p.86)

Leur point commun, c'est ce "prof-de-piano-maître-de-thé" un peu "magicien" qui va accepter de leur donner à chacun des cours particuliers de piano: tous deux briguaient autrefois le Conservatoire et leurs familles voient en la musique un espoir de se raccrocher à la vie ("Tu ne peux pas t'enfermer dans ton chagrin et nous l'imposer"). A force de patience et de bienveillance, de "fortune cookies" et de tasses de thé, Fred Randal va peu à peu sortir Igor et Rhéa de leur solitude ("Vous vous sentez seul. C'est différent.") et même les amener à jouer ensemble (sous l’œil attentif de Obama le perroquet!). Rien n'est facile, rien n'est jamais acquis, et cela rend l'histoire tout à fait crédible.

 

Rhéa voit en cette amitié une seconde chance ("Tu crois qu'avec ce pauvre gars défiguré je saurai faire mieux ?") et Igor réalise que "je ne suis pas le seul à être malheureux". Au contact l'un de l'autre, ils comprendront que "on ne peut pas demander aux gens de tout comprendre. D'être bienveillants. On peut juste se donner des solutions pour moins souffrir." Et c'est ce qu'ils décideront au final : s'adapter, s'écouter, pour mieux repartir.

Patricia Deschamps, février 2019

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