Deux fleurs en hiver

roman de Delphine PESSIN

Quand on est vieux, on a vécu, aimé, chialé. On a été courageux, lâche, idiot et amoureux. On s'est trompé, on a choisi, qu'est-ce qu'il y a de mal à le dire franchement?

Didier jeunesse, 2020, 187 p.
Didier jeunesse, 2020, 187 p.

Capucine est une jeune fille aux drôles de perruques qui rêve de devenir aide-soignante pour personnes âgées. Dès les premiers jours de son stage à l'EPHAD Bel Air, le rythme de travail est infernal, les employés et les "petits vieux" sont sous pression: pourtant rien n'écorne sa motivation.

 

Violette, quant à elle, est une nouvelle résidente, carrément amère de laisser derrière elle sa maison et son chat adoré pour finir sa vie dans ce "mouroir".

 

Chacune a une blessure, chacune a un secret. Mais quelque chose, dans ces deux fleurs abîmées par la vie, pourrait bien renaître de leur étincelante rencontre...

Mon avis :

Un roman touchant sur les relations intergénérationnelles.

Capucine est une jeune fille hors du commun. En formation ASSP (Accompagnement, soins et services à la personne), elle a choisi de faire son stage auprès des personnes âgées ("Je ne redoutais pas de travailler avec les vieux") alors que ses camarades de classe rêvent toutes de s'occuper d'enfants. Par ailleurs elle a la curieuse manie de porter des perruques de toutes couleurs et de tous styles ("C'est bizarre, quand on y pense, de porter une perruque à cet âge"). On apprend rapidement qu'elle a perdu sa mère deux ans auparavant et qu'il lui est encore bien difficile d'évoquer "l'Accident", y compris avec son père. Les relations avec celui-ci sont tendues, le dialogue devenu impossible, d'autant plus qu'il conteste sa décision de devenir aide-soignante, métier pénible et mal payé.

 

Comme de fait l'intrigue tourne beaucoup autour de "la réalité du terrain": "Il fallait composer avec ce qu'on avait. C'est-à-dire moins de personnel, et toujours autant de travail". Patricia, Lili, Claudine, toutes regrettent de n'avoir pas le temps de discuter avec les résidents qui sont "juste des numéros sur les portes". Malgré tout, Capucine va le prendre, ce temps, avec une "petite mémé" (comme elle dit) arrivée en même temps qu'elle, Violette.

Cette ancienne institutrice se sent "humiliée d'avoir besoin d'aide", pour marcher et pire, pour des choses intimes comme aller aux toilettes et se laver. Elle est malheureuse d'avoir dû quitter sa maison et surtout son chat Crampon. Comme beaucoup d'autres résidents, Violette "se sent seule à en crever". Et Capucine se sent seule aussi, avec son chagrin, sa colère, ses interrogations.

 

Petit à petit une amitié se tisse entre les deux femmes, au-delà des années. La parole se libère. Violette se confie, Capucine lui rend le sourire, la vieille dame écoute et conseille, la jeune stagiaire se sent comprise, enfin. Ce qu'elle vit à l'Ephad s'entrelace avec son vécu personnel et la fait avancer, grandir ("Ils m'avaient reboostée, mes petits vieux"). Violette gagne en sérénité ("Je suis décidée à profiter des jours qui me restent").

Beaucoup d'émotion et de tendresse se dégagent de ce roman ("Ce qu'il y avait entre cette mémé et moi, ça n'était pas ordinaire"), parce qu'il évoque la vieillesse, un sujet qui nous concerne tous un jour ou l'autre, que ce soit la sienne ou celle de ses proches, mais aussi parce que de manière plus générale, il y est question des fissures que l'on a en nous: "Soit tu les caches en essayant très fort de croire qu'elles n'existent pas. Soit tu les acceptes et tu les répares." Et son message est on ne peut plus encourageant: même quand on a le sentiment que rien ne va, "la vie peut être carrément surprenante".

Patricia Deschamps, avril 2020


 

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