Voltaire mène l'enquête

roman de Frédéric LENORMAND

1. La baronne meurt à cinq heures

Voltaire songea que les enquêtes étaient comme la philosophie : la découverte d'une certitude amenait cent nouvelles interrogations.

Lattès, 2011, 331 p.
Lattès, 2011, 331 p.

Qui a osé assassiner la baronne chez qui Voltaire coulait des jours heureux ? En ce froid février 1733, c'est la rue qui attend notre philosophe (ou pire, la Bastille !). Il lui faut donc retrouver le criminel sans délai avant que celui-ci ne s'en prenne à d'autres honnêtes gens comme lui-même, par exemple. 

 

Heureusement, avec l'aide providentielle d'Émilie du Châtelet, Voltaire ne manque pas de ressources. Brillante femme de sciences, enceinte jusqu'au cou, celle-ci va l'accompagner dans son enquête où les subtilités féminines triompheront bien souvent de la philosophie

 

Ensemble, ils devront affronter de redoutables héritières en jupons, des abbés benêts et des flûtistes sanguinaires, décrypter des codes mystérieux, et surtout échapper à un lieutenant général de police prêt à embastiller Voltaire au moindre faux pas...

 

Mon avis :

C'est lors d'une visite du château de Hautefort en Dordogne que je suis tombée sur ce livre. L'alliance de roman historique et d'enquête policière m'a tout de suite séduite, d'autant plus que le personnage principal et enquêteur est... le savoureux Voltaire !

Le personnage est tout simplement truculent, dans ses réparties comme dans ses actes ! Ses publications de « libre penseur » font de lui un homme à la fois décrié et recherché dans les salons et le philosophe a l'art de louver avec cette notoriété. C'est un véritable « parasite », un profiteur qui se fait inviter et même loger chez les uns et les autres, obtient un souper en échange de bons mots et de lectures de ses Lettres philosophiques anglaises en cours d'écriture, un manipulateur visant l'Académie mais fuyant la censure, un homme plein de mordant capable des pires extravagances (se déguiser, filer un suspect, grimper sur les toits...) pour parvenir à ses fins. Il y va de son intérêt bien sûr car, logeant chez la baronne assassinée, son avenir dépend de l'héritière...

 

Voltaire est accompagné d'une marquise à la personnalité toute aussi saisissante, femme  intelligente possédant « des connaissances étendues dans tous les domaines que la science avait abordés ces dix dernières années ». Ces deux-là se complètent et mon engouement pour le roman tient autant au personnage du philosophe que de cette Émilie au tempérament fort et libre pour son époque : « Sous ces dehors de charmante marquise se cachait un cerveau supérieur, au moins pour ce qui était des sciences logiques ». Ensemble ils vont explorer un cabinet de curiosités, résoudre des messages codés musicaux, nous embarquer aux quatre coins de Paris tout en nous faisant découvrir les distractions de l'époque telles que la lanterne magique ou les jeux de dés (dont Émilie, « dame aux mœurs élastiques », est friande). 

 

Dans cette enquête où « les femmes cachent bien leur jeu », le lieutenant général René Hérault n'est jamais bien loin : c'est lui qui a confié cette mission à Voltaire en échange d'un sursis d'embastillement pour ses écrits subversifs. On comprend qu'en ce 18e siècle, la police a d'autres missions que celle de s'occuper des meurtres (« Je dois choisir entre améliorer la vie du plus grand nombre et arrêter l'assassin de deux ou trois nobles. ») alors Hérault n'hésite pas à falsifier les causes de décès et cacher les meurtres... Une mascarade qui fait notre bonheur de lecteur, et c'est avec plaisir que je lirai la prochaine aventure policière de Voltaire !

 

Patricia Deschamps, février 2019

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