Le jour de June

roman d'Anne LOYER

Ce que [cette boîte] renfermait était son plus grand trésor : les clichés d'instants volés à la crainte et à la résignation, au courage et à la solidarité.

Les petites moustaches, 2017, 141 p. (Héroïnes)
Les petites moustaches, 2017, 141 p. (Héroïnes)

 

Juin 1944. Jude s’apprête à débarquer avec les rangers à la Pointe du Hoc. Dans la barge qui prend l'eau, au cœur de la nuit et du froid, c'est l'angoisse qui prime. Accroché à son appareil photo, le jeune reporter veut croire à sa mission : rapporter des images pour témoigner du courage hors norme de ceux qui l'entourent. 

 

Novembre 1940. June, pour ses quatorze ans, reçoit de son grand-père un appareil photo Leica. Alors que le Blitz fait rage, ce cadeau, comme sa rencontre avec le photographe de guerre Robert Capa, va changer son destin.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Robert Capa (p.77)
Robert Capa (p.77)

J'ai déjà lu beaucoup de romans ado sur la Seconde Guerre mondiale et si j'ai choisi celui-ci, c'est parce qu'il évoquait aussi la condition féminine de l'époque. Après Rose la pilote d'avion (Rose sous les bombes) et Elaine l'opératrice radio (Vous ne tuerez pas le printemps), voici June la photographe chargée de couvrir le Débarquement allié sous l'identité masculine de "Jude" (l'illustration de couverture évoque d'ailleurs judicieusement cette double apparence). Le récit alterne entre 1944 et 1940 afin que le lecteur comprenne comment elle a pu en arriver là.

 

Avec une mère infirmière et un frère engagé à seize ans, on comprend rapidement que photographier les horreurs de la guerre est pour l'adolescente sa façon à elle de participer aux événements.

"Jamais June n'avait dansé sur le ♪ Boogie Woogie Bugle Boy ♫ des Andrews Sisters !" (p.64)
"Jamais June n'avait dansé sur le ♪ Boogie Woogie Bugle Boy ♫ des Andrews Sisters !" (p.64)

Ses clichés sont autant de témoignages du "Londres défiguré" : "Elle figeait ça et là un élément du décor qu'elle estimait plus impressionnant, original ou macabre que le précédent, se sentant presque investie d'une mission qui la dépassait." Elle photographie également les gens ("On a tous perdu quelque chose..."), afin de "confier l'instant à l'éternité". Son talent naissant n'échappe pas à Robert Capa, "le plus grand photographe de guerre de tous les temps", et la voilà dans une barge à fond plat à trembler de froid et de peur tout comme les soldats autour d'elle.

 

L'histoire se teinte de sentiments avec le personnage de Will, le bel Américain hébergé par sa mère qui l'entraîne avec lui dans les fêtes, apportant un peu de légèreté à l'ensemble. Et puis il y a Maggie, la complice qui va l'aider à "prouver que tu peux faire aussi bien, voire mieux, que tous ces mecs bardés de certitudes". Ainsi les photos de June "témoigneront, diront l'atrocité de cet événement qui marquera l'histoire." Malgré tout la jeune fille n'oubliera pas que c'est en partie grâce à "tous ces hommes qui ont traversé son existence et changé son destin".

Patricia Deschamps, février 2019


Retrouvez Takalirsa sur Facebook, Babelio, Instagram  Youtube, Twitter et Tik Tok