La folle rencontre de Flora et Max

roman de Martin PAGE et Coline PIERRE

Tu es pour moi un objet d'étonnement.

Ecole des loisirs, 2015, 199 p. (Grand format)
Ecole des loisirs, 2015, 199 p. (Grand format)

 

Un jour, Flora reçoit une lettre de Max. Flora est en prison pour avoir frappé une fille de sa classe, si violemment que celle-ci a un traumatisme crânien.

 

Max aussi est enfermé. Chez lui. Par choix. Dès qu'on lui demande de sortir de sa maison, il a de terribles crises d'angoisse.

 

Flora et Max s'écrivent et cela leur fait du bien. Ensemble, ils se soutiennent et s'entraident, espérant trouver en l'autre la force d'affronter ce monde qui leur fait si peur.

Mon avis :

Sylvia Plath, la poétesse américaine que Flora "aime beaucoup"
Sylvia Plath, la poétesse américaine que Flora "aime beaucoup"

La correspondance touchante de deux adolescents meurtris.

Si Flora s'en est prise à Émeline, c'est parce que celle-ci la harcelait depuis des semaines, liguant la classe contre elle : "Elle s'est rendu compte qu'elle m'avait laissée exister en paix avec mes excentricités. Cette idée lui était intolérable." Ainsi, si l'on ne peut cautionner la réaction de la jeune fille, on la comprend, d'autant plus qu'elle reconnaît que "je ne savais pas que j'avais toute cette violence en moi".

La violence, Max la retourne contre lui. Vivant reclus avec ses disques, son ordinateur et son ukulélé, il ne supporte pas de mettre un pied dehors, ni de voir des gens en dehors de ses parents : "Je reste persuadé que je n'ai aucun problème. C'est le monde qui est le problème." L'adolescent s'enferme pour se protéger, tout en étant conscient de se punir lui-même. Et culpabilise un peu face à Flora qui voudrait tant sortir.

Ces deux-là se sont trouvés, animés par une même détresse - la difficulté de vivre avec les autres, tout au moins "certains autres"-, et ils vont se dévoiler peu à peu à travers leurs lettres. Chacun décrit son quotidien, sa façon d'affronter l'enfermement, livrant avec beaucoup de pudeur et de sincérité ses phases dépressives et ses maigres progrès. "Merci pour tes mots, ils me font du bien", "Tes lettres sont un baume contre mes angoisses", "Tes lettres sont apaisantes et donnent de la force". Et surtout, "Ton exemple me donne le désir de changer".

Car au fil des confidences, on sent leur état d'esprit évoluer. "Malgré moi, je sens que je change. Je pense que notre correspondance n'y est pas pour rien", "J'ai parfois un peu honte. Elle le méritait, objectivement, mais ça ne m'a pas soulagée", "Il y a des choses qui valent le coup d'affronter le monde extérieur, j'en suis persuadée", "Le plus important pour s'en sortir consiste à avoir la volonté de changer les choses". Changer les choses, cela signifie agir au lieu de subir, et c'est en montant un projet commun que Flora et Max vont "s'inventer un avenir possible". Certes "la réadaptation ne sera pas simple", mais à deux, elle devient désormais envisageable.

Patricia Deschamps, janvier 2016

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Les nouvelles vies de Flora et Max

Je suis contre les rapports humains réels. Internet et le courrier, c'est le paradis. La vraie vie, c'est l'enfer.

Ecole des loisirs, 2018, 250 p.
Ecole des loisirs, 2018, 250 p.

Flora vient de sortir de prison, où elle a passé six mois pour avoir violemment frappé une fille qui la harcelait au lycée. Six mois pendant lesquels elle a noué, par lettres, une solide amitié avec Max, qui était lui aussi enfermé, mais d'une autre façon : souffrant de phobie sociale, il n'arrivait plus à sortir de chez lui. Pour Flora comme pour Max, une nouvelle vie commence : Flora décide d'étudier l'anthropologie à l'université, et Max surmonte ses angoisses pour s'inscrire à un CAP de cuisine. Ensemble, les deux adolescents vont reprendre pied dans la société, parce qu'une maison de retraite a besoin d'eux...

 

Texte : Virgule-Magazine pour Babelio

Mon avis :

C'est un plaisir de retrouver Max et Flora, aussi touchants dans leur résolution à prendre un nouveau départ que lorsqu'ils se battaient contre leurs démons. Si l'on sent que le plus dur est fait, rien n'est simple pour ces deux "handicapés sociaux". Désormais, "nous sommes libres", et cela peut faire peur. Surtout lorsque les adultes autour de soi ne parlent que de précarité et de chômage ("Le futur, ça me fait flipper"). Si Flora veut "un travail qui me passionne, qui m'enthousiasme", Max insiste sur la nécessité de "trouver un boulot avec des gens chouettes".

 

Contre toute attente, c'est à la maison de retraite qu'ils se sentent le plus à l'aise. Même si leur projet de scolarité en autonomie est tombé à l'eau, ils ont gardé l'habitude de rendre visite à "la bande composite, plurielle et baroque" de personnes âgées qui ne manque ni d'énergie ni de bons conseils. Et il en faut quand on apprend que ce refuge est menacé par un projet immobilier... Aux côtés de madame Breintenfeld, de M. Frémoux et des autres, Flora et Max découvrent les bienfaits de l'entraide et de la solidarité à travers diverses actions de protestation. Parfois l'un ou l'autre est victime d'une crise passagère ("Je me sens nulle part à ma place", "Le monde extérieur ne me fait pas envie") mais chacun l'affronte avec courage ("C'est une tristesse armée et combative"). J'ai même trouvé l'ensemble plutôt léger et drôle (voire un brin farfelu avec les séances de roller-derby!): malgré les difficultés rencontrées, les deux adolescents font preuve de beaucoup d'auto-dérision.

 

Surtout, ils savent que quoi qu'il arrive, ils peuvent compter sur le soutien de l'autre: "Nous partageons ce même sentiment d'inadéquation" et cela les rend à la fois complices et indulgents ("Avec Flora, je me sens à ma place"). Peu à peu Max et Flora vont se libérer de la peur de se montrer tel que l'on est, ils vont apprendre à se battre pour la vie qu'ils ont choisie ("Je me bats pour changer et pour arriver à vivre normalement"). Jour après jour, ils apprennent à évoluer dans "la vraie vie", même s'ils gardent l'habitude d'échanger aussi par écrit (par SMS ou par mail). Pas à pas, ils "tissent l'adulte que je suis en train de devenir"... ainsi qu'une relation qui bascule tout naturellement de l'amitié à l'amour. On les quitte sereins, à l'aube d'une nouvelle étape encore, convaincus qu'au bout du compte, "il ne faut pas chercher où se trouve notre place dans le monde, il faut modeler, sculpter le monde pour le tailler à notre mesure".

Patricia Deschamps, octobre 2019


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