Uppercut

roman de Ahmed KALOUAZ

Contrairement aux affolés du ballon rond, mon idole était un boxeur noir de peau, comme moi.

Rouergue, 2017, 126 p. (doAdo)
Rouergue, 2017, 126 p. (doAdo)

 

Placé dans un internat pour garçons difficiles, Erwan est envoyé en stage dans un centre équestre, après une fugue. Ce garçon métis, né d'un père sénégalais et d'une mère bretonne, est habitué à se battre, à la moindre remarque sur sa couleur de peau. Et il rêve de devenir boxeur.

 

Face à Gilbert, le directeur du centre, qui lance des remarques racistes sans même s'en rendre compte, il va devoir apprendre à ne plus réagir au quart de tour.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Bob Dylan ♪ Hurricane ♫
Bob Dylan ♪ Hurricane ♫

L'histoire sans surprise, mais touchante, d'un jeune victime de préjugés racistes.

Erwan est un adolescent comme tant d'autres : "J'aime apprendre, mais j'ai la bougeotte". A force de "faire le mariolle", d'autant plus que la pratique de la boxe lui donne le coup facile, les sanctions se sont multipliées et bientôt les renvois. Mais ce que les adultes minimisent chaque fois, ce sont toutes les remarques racistes que subit Erwan au quotidien, "rien que des mots envoyés comme des uppercuts, de façon banale et naturelle"...

Gilbert, le directeur du centre équestre, n'échappe pas à la règle. Dans ce coin de campagne où les mentalités sont ancrées, les gens "sont habitués à un racisme médiocre et facile" fait d'idées reçues. Mais Erwan en a assez de "son passé d'élève miteux, avec mes notes moyennes, mes accès de colère". Comme son idole le boxeur Rubin Carter, il a envie de se battre mais sans haine. Carter était noir lui aussi, "et en Amérique, c'est un vrai handicap"...

 

Ainsi la thématique de la boxe est déployée en filigrane tout au long du roman, chaque situation rencontrée évoquant à l'adolescent un parallèle avec un combat, une attitude, et même une philosophie de vie. Si ce sport lui permet "d'évacuer les émotions", de se défouler "toute violence libérée", il va peu à peu apprendre à se canaliser, à "l'amadouer" tout comme il a amadoué Gilbert. Celui-ci est d'ailleurs beaucoup moins obtus qu'il n'y paraît : il comprend vite que ses propos pleins d'a priori sur les noirs blessent Erwan, qui ne les mérite pas vu son investissement à ses côtés. Le texte évoque également, par touches, l'histoire du racisme : Erwan, qui s'est beaucoup documenté, évoque régulièrement "le passé de ses ancêtres" - le commerce triangulaire, l'esclavage, le lynchage aux Etats-Unis, mais aussi les tireurs sénégalais (comme son grand-père) et la guerre d'Algérie.

Pour une fois chez Ahmed Kalouaz, le style n'est pas à vif, pas amer, alors que le sujet s'y prête. Du coup on sent d'emblée qu'Erwan n'est pas un mauvais garçon, on le découvre à un moment de sa vie où s'est déjà amorcée une volonté de changer les choses et c'est bel et bien un adolescent apaisé que l'on quitte à la fin du stage.

 

Patricia Deschamps, juin 2018

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