Oh, boy !

roman de Marie-Aude MURAIL

- Alors, c'est vrai ce qui se disait sur ta mère, hier soir, au baby ? Qu'elle s'est tuée avec du Canard Vécé.

- N'importe quoi ! C'était du Décap four.

Ecole des loisirs, 2001, 207 p. (Médium)
Ecole des loisirs, 2001, 207 p. (Médium)

"Oh, boy !", c'est l'expression qui sort des lèvres de Barthélémy Morlevent, 26 ans, quand il est dépassé par les événements.

 

Et, justement, les événements se précipitent lorsque lui tombe du ciel Siméon, un surdoué (14 ans), Morgane (8 ans) et Venise (5 ans), trois frère et sœurs, orphelins depuis peu dont il est la seule famille. Ou presque. 

 

Car il a déjà une demi-sœur, Josiane, plus âgée, plus "sérieuse" aussi : ophtalmologue. Lui n'est que "l'homosexuel". Lequel de ces deux aînés "héritera" de la jeune fratrie, dont les membres ont juré de ne pas se séparer ?

 

(texte Babelio)

Mon avis :

Un roman qui fait éclater les préjugés, autour d'une belle galerie de personnalités.

Le caractère fort de cette hétéroclite tribu Morlevent, c'est Siméon l'ado surdoué à l'intelligence aiguë, doté d'un sacré sens de la répartie ("Le mot de "vendeur" répugnait à Siméon. Vendeur, c'était la même chose que con.") ! Sa maturité contraste terriblement avec la puérilité de son aîné, et la plupart des décisions responsables viennent de lui. Cependant, comme Barthélémy (qui est homosexuel), Siméon souffre de sa différence ("Les autres garçons l'avaient repéré parce qu'il ne faisait rien comme eux.")... le physique en moins. Car si Bart, tout comme la mignonne petite Venise, a hérité des beaux yeux bleus et de la blondeur de leur père "disparu" (enfui ?), Siméon - et Morgane - ont un visage plutôt ingrat. Celle-ci, "coincée entre son frère surdoué et sa petite sœur si facile à aimer" est "d'une manière générale, la petite qu'on oubliait"...

 

L'homosexualité de Barthélémy est d'emblée un frein à l'obtention de la tutelle des orphelins : "La juge ne peut pas confier la tutelle à Barthélémy ! Un homosexuel !" est l'argument principal de sa demi-sœur Josiane qui a par ailleurs une situation professionnelle et financière bien plus stable. L'ophtalmo, qui n'a jamais pu avoir d'enfant, a eu un coup de cœur pour la jolie Venise, mais les enfants ont fait "le jurement" de ne jamais se séparer ! Ainsi on suit les rebondissements de cette histoire de famille délicate mais néanmoins bourrée de situations cocasses, parce que Bart est maladroit et naïf, que Venise désarçonne avec ses répliques de fillette, que Morgane touche dans sa détresse, que tout ce petit monde s'amuse bien ensemble et que ceux qu'ils croisent sur leur parcours (Aimée la voisine battue par son mari, le Dr Mauvoisin, la juge des tutelles accro au chocolat...) finissent par s'attendrir sur ces jeunes et leur drôle de parcours.

 

Tout comme les gens, "d'abord surpris par le "genre" de Barthélémy" finissent par "s'y habituer et même le prendre en amitié", le jeune homme va apprivoiser ses sentiments envers ces frère et sœurs qui ont débarqué dans sa vie. Un "malheur va soudainement les rapprocher" et déclencher chez l'aîné un sens des responsabilités qu'il ne pensait pas avoir, habitué à "jouer les victimes" : "Tout est de ma faute. C'est le principe de base". Au final s'occuper d'eux ne sera plus une corvée mais bien une revendication : "C'était drôle, ce cadeau que la vie lui avait fait". Et même si la fin est réaliste, Bart saura dire "merci d'être entré dans ma vie sans crier gare. Merci d'en avoir changé le cours et de m'avoir changé."

Patricia Deschamps, avril 2018



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