Nous les menteurs

roman d'Emily LOCKHART

Ne jamais se plaindre. Ne jamais se justifier. Pas de scandale.

Gallimard jeunesse, 2015, 272 p.
Gallimard jeunesse, 2015, 272 p.

"Bienvenue dans la splendide famille Sinclair."

 

Cadence, 17 ans, est issue d'une riche famille américaine. Chaque été, elle retrouve ses tantes et ses cousin(e)s sur Beechwood, l'île qui appartient à son tyrannique grand-père, fondateur de la fortune familiale.

 

Si Cady est heureuse de retrouver Gat, Mirren et Johnny, sa condition d'aînée et donc d'héritière des affaires et surtout des attentes familiales, n'est pas simple. Car le clan Sinclair ne cesse de se déchirer à propos de la succession.

 

"Notre famille nous a surnommés les Menteurs, et c'est sans doute bien mérité. Chaque été ou presque passé ensemble sur l'île, nous y avons semé la pagaille."

 

L'histoire commence l'été des 15 ans de Cady. Cette année-là, un terrible accident est survenu, la laissant amnésique et sujette à des migraines post-traumatiques. Deux ans plus tard, Cady revient sur Beechwood, déterminée à découvrir la vérité.

Mon avis :

Entrez dans le monde impitoyable mais captivant des Sinclair !

Il était une fois un roi (grand-père Harris) qui avait trois filles (la mère de Cady et ses deux sœurs) d'une grande beauté. Plus il vieillissait, plus il s'inquiétait de savoir à laquelle des trois il léguerait son royaume. Il décida donc de demander à chacune de lui prouver la grandeur de son amour... se raconte Cady, effarée de voir que sa mère et ses tantes sont prêtes à tout pour mettre la main sur leur part de fortune ! Y compris en utilisant leurs enfants... Ceux-ci sont en effet souvent envoyés transmettre des messages en toute innocence à leur grand-père, afin de prouver qu'il/elle est le/la plus dévoué(e) aux traditions familiales. Etre un Sinclair, c'est avoir "le sens du devoir", garder le contrôle en toutes circonstances (même quand son père part, que sa grand-mère décède) : "ressaisis-toi", exige la mère de Cady, "sois normale" comme il sied à ton rang. Dans ce monde de faux-semblants, tout est une "question de statut" et d'obligations familiales et seule règne la puissance de l'argent. On manipule et on manigance autour d'une seule préoccupation : qui sera le successeur ? Car si Cady est l'aînée, Johnny la suit de près et il a l'avantage d'être un garçon. Mais Mirren est celle qui a les capacités scolaires d'aller loin.

Gat, lui, est hors-jeu : il n'est que le neveu du compagnon de tante Carrie. Et puis il détonne avec ses origines indiennes au milieu de tous ces blondinets : comme il le dit si bien, il est "le Heatchcliff de notre famille si blanche"... A quinze ans, Cady n'est plus dupe : son grand-père n'est qu'un patriarche élitiste, un riche capricieux, un égoïste qui se fiche pas mal des conséquences de ses actes. Et qui voit d'un mauvais œil l'amour qu'elle éprouve pour cet adolescent issu d'une classe inférieure. Pareil pour sa mère, dont le "matérialisme stérile" passe avant les sentiments de sa fille. Mais Cady en a assez de représenter "l'avenir de la famille", de faire tout ce que sa mère demande à l'encontre de ses propres valeurs morales : à partir de maintenant, "je prends ma vie en main". Oui, la jeune fille en est persuadée : "Beechwood est un petit univers refermé sur lui-même" dans lequel "on a une vision biaisée de l'humanité". Mais on ne s'émancipe pas si facilement des contraintes et des préjugés de ce milieu (qui n'est pas sans rappeler celui de Gatsby le magnifique)...

 

Car le mystère plane tout au long de l'histoire : qu'est-il arrivé à Cady le soir de l'accident ? Est-elle responsable ou victime des événements ? Pourquoi personne ne veut l'aider à se souvenir de ce qui s'est passé sur l'île à "l'été quinze" ? Une île qui a bien changé en deux ans... Grand-mère est décédée, grand-père devient sénile (joli parallèle entre ses pertes de mémoire et l'amnésie de l'héroïne), les maisons sont négligées, Gat veut reprendre leur liaison à zéro. Plusieurs indices mettent sur la voie de la vérité, mais la révélation finale reste surprenante : il y a les éléments qu'on nous dissimule, et les mensonges qu'on se raconte à soi-même...

Bienvenue dans la famille Sinclair... Ou comment masquer une tragédie familiale derrière un sourire mondain !

Patricia Deschamps, juillet 2016

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