Les petites reines

roman de Clémentine BEAUVAIS

Ça y est, les résultats sont tombés sur Facebook : je suis Boudin de Bronze.

Perplexité. Après deux ans à être élue Boudin d'Or, moi qui me croyais indéboulonnable, j'avais tort. (...)

Notre cher ami Malo a posté des commentaires sous les photos des dix-huit filles en lice. Il m'a rendu hommage : "La compétition a été rude, mais Mireille Laplanche, quoi qu'il arrive, reste pour moi la reine absolue des Boudins. Ses grosses fesses gélatineuses, ses seins qui tombent et ses petits yeux de cochon resteront gravés dans nos mémoires pour l'éternité."

Sarbacane, 2015, 270 p. (Exprim')
Sarbacane, 2015, 270 p. (Exprim')

Mireille, Astrid et Hakima ont été élues "Boudins" de l'année du collège-lycée Marie-Darrieussecq par un groupe Facebook. Mireille, sur le podium de ce concours de laideur depuis trois ans, ne se démonte pas pour autant : elle commence par se lier d'amitié avec ses deux compagnons d'infortune - car à trois, on se sent plus "forte".


Et de discussions en découvertes, un étrange défi se dessine peu à peu : effectuer le trajet Bourg-en-Bresse/Paris à vélo pour "gate-crasher" (taper l'incruste à) la garden-party organisée par l'Elysée le 14-Juillet !.. Chacune a sa propre raison de se lancer dans ce projet fou : Hakima refuse que le général Sassin, à cause de qui son frère soldat a perdu l'usage de ses jambes, reçoive la Légion d'Honneur ; Astrid rêve de voir le concert d'Indochine prévu à l'occasion ; et Mireille voudrait que son père biologique, le mari de la Présidente, assume enfin sa paternité !


Et pour financer le périple, les trois adolescentes... vendront du boudin !

Mon avis :

Découvrez l'adaptation théâtrale de J. Heynemann
Découvrez l'adaptation théâtrale de J. Heynemann

Attention, roman délire ! Entre situations cocasses et dialogues relevés, Mireille arbore un humour décalé qui transforme une simple divagation d'ado en road-trip médiatisé!

En revendiquant son statut de "Boudin" au lieu de s'apitoyer sur son sort, la jeune fille fait un pied de nez magistral à la société du paraître qui mise tout sur le culte de la beauté physique. Alors bien sûr l'assurance et le détachement qu'elle affiche masquent une profonde souffrance : "Cette enfant n'est pas heureuse", se désole sa mère. Mireille est une adolescente complexée et solitaire, et surtout constamment harcelée par Malo, son ex-ami d'enfance, qui a envers elle des mots très durs, et va même jusqu'à la brutaliser durant sa virée à vélo. Malo, qui est à l'origine du concours de Boudins, est un concentré de machisme et de bêtise qui ne supporte pas la popularité nouvelle des "boudinettes". Car comme le fait remarquer Mireille, "on a gagné le droit qu'on nous demande comment ça va", autrement dit les moches ont aussi le droit de s'afficher en plein jour au lieu de se cacher dans l'ombre.

 

Et en pleine lumière, les trois filles vont l'être rapidement. A chaque escale la foule les attend, on les reconnaît, on les invite, chacun surfant sur le phénomène. La crédibilité des médias est d'ailleurs sévèrement malmenée ! Si au départ la journaliste chargée de relayer l'épopée se montre dubitative ("on verra bien si les gens s'y intéressent"), ne comptant pas écrire plus qu'un filet sur le site, elle s'empresse de revendiquer l'exclusivité quand le Paris/Bourg-en-Bresse commence à faire le buzz. Le métier se réduirait-il donc à s'adapter à l'opinion publique ?! Mireille a elle bien compris tout l'intérêt de jouer avec les médias : "le but est de faire ça de manière scandaleuse et impertinente" !

 

A ses côtés, Astrid et Hakima gagnent peu à peu en confiance. Mireille, qui n'a pas la langue dans sa poche, tourne tout en (auto)dérision, sa manière à elle de se protéger. Fruit de l'union secrète de deux philosophes, elle a lu beaucoup de traités et fait preuve d'une grande maturité pour son âge. Avec les deux autres boudinettes, et le frère d'Hakima qui les accompagne, elle découvre l'amitié, fait des rencontres, profite de nouvelles opportunités, en un mot, s'amuse. Et surtout comprend que tous ces gens qui postent des commentaires minables sur les réseaux sociaux ne valent vraiment pas la peine qu'on s'intéresse à eux.

Bref ce roman truculent est un hymne à la vie qui véhicule les "valeurs du partage, de la générosité et de l'espoir en un monde meilleur" !

Patricia Deschamps, juillet 2015

L'adaptation BD de Magali LE HUCHE

- On a mal partout, Raymond, on a fait du vélo au moins pendant dix minutes et demie.

Sarbacane, 2023, 154 p.
Sarbacane, 2023, 154 p.

C'est un plaisir de redécouvrir sous forme de bande dessinée le périple à vélo de Mireille, Hakima et Astrid, secondées par Kader dans son fauteuil roulant! Mireille, dynamique et pleine de vie, ne se laisse pas abattre et prend tout avec humour. Le départ des trois jeunes filles, revigorées par leur amitié naissante, se fait dans l'enthousiasme, et le trajet le restera malgré les difficultés.

 

Ce que Mireille a bien compris, c'est qu'il faut profiter de leur popularité nouvelle pour parvenir à leurs fins ("On a une couverture médiatique, on va en profiter. Faire le buzz, quoi."). En effet, "tout d'un coup, tout le monde s'intéresse à nous", les messages d'encouragement alternant avec les insultes sur les réseaux sociaux. Le plus odieux reste Malo ("un vrai connard"), l'ami d'enfance de Mireille qui a subitement changé d'attitude ("En CM2, il a trouvé des nouveaux copains"). C'est lui qui a créé le concours de boudins...

 

Ce qui réunit les filles, c'est aussi l'absence du père ("Il est suédois. Il fait des trucs mais je sais pas exactement quoi."). Malgré tout, le récit respire la joie de vivre et les good vibes. J'ai trouvé très drôle le passage où les trois complices improvisent leur organisation face à la mère de Mireille. Sur leur parcours, les Boudins feront de jolies rencontres, comme la vieille dame gardienne de château. Il y a aussi un passage très émouvant entre Mireille et Kader sur l'acceptation du corps.

 

Une fois à Paris, à l'issue de ce périple initiatique, chacun·e trouvera l'apaisement à sa façon. Le petit groupe aura surtout véhiculé un beau message: "les valeurs du partage, de la générosité et de l'espoir en un monde meilleur".

Patricia Deschamps, avril 2024

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