Les mains dans la terre

roman de Cathy YTAK

Le Muscadier, 2016, 52 p. (Rester vivant)
Le Muscadier, 2016, 52 p. (Rester vivant)

 

« Chers parents, j’arrête mes études. Je renonce à cette dernière année, à cette carrière annoncée qui n’exige guère d’effort et ne m’apporte en retour aucune satisfaction. Quand vous lirez cette lettre, je serai déjà parti. »

 

Revenu d’un séjour au Brésil avec, dans ses bagages, une petite statuette en terre cuite, Mathias va devoir choisir la vie qu’il veut pour lui: la richesse sans partage, ou les mains dans la terre. Et mettre des mots sur son histoire.

 

(Texte : 4e de couverture)

Mon avis :

"Ces fameux petits personnages en terre cuite qu'on appelle des Caruaru" (p.21)
"Ces fameux petits personnages en terre cuite qu'on appelle des Caruaru" (p.21)

Un débat pertinent sur le fonctionnement de notre société et une belle leçon d'humilité.

Quand Mathias suit ses parents au Brésil, c'est pour se retrouver dans un "complexe touristique de luxe" complètement déconnecté de la réalité du pays. D'emblée on sent que la communication est coupée entre eux, d'une part parce que le jeune homme vit mal le fait que son père exhibe son argent ("Ta petite entreprise ne craint pas la crise vu qu'elle s'en nourrit"), et d'autre part parce que "je préfère les garçons", ce qui n'est toujours pas accepté. Exaspéré que ses parents se contentent de paresser à la piscine ("Nous ne sommes pas là pour faire du tourisme, mais nous sommes des touristes. Je relève l'erreur."), Mathias décide de passer "de l'autre côté du miroir" pour "voir les gens vivre comme ils vivent".

 

Ce qu'il découvre l'horrifie : aucune des infrastructures mises en place pour l'hôtel - l'électricité, l'assainissement de l'eau - ne profite à la région. Juste à côté de ce paradis artificiel clos, les habitants continuent de souffrir de la pauvreté. Même la nourriture est importée ! Clairement, "derrière, c'est moins beau que devant"... Plusieurs sentiments traversent alors Mathias : le doute, la colère, et enfin la révolte contre cette "idéologie du travail et de l'argent" prônée dans notre société. Petit à petit va naître un nouveau Mathias, désireux d'une autre vie que celle tracée par ses parents, et qui ne lui a jamais correspondu. Tel "une chrysalide qui devient papillon", ou comme ce bonhomme de terre cuite qu'il s'efforce de fabriquer, il cherche à se façonner un nouveau moi qui se manifeste dans le texte par l'insertion, par endroits, d'une autre police de caractères.

 

La démarche n'est pas simple ("Je me sens démuni") mais Mathias est encouragé par un jeune potier qui "possède ce qui nous manque : la générosité". A ses côtés, il envisagera une autre vie loin des possessions matérielles ("On ne prend jamais possession de la terre, on ne peut que l'apprivoiser"), autour d'autres valeurs ("Il faut arrêter de tout vouloir prévoir et calculer. Cela demande de la patience, de l'humilité.") et d'une belle philosophie altruiste : "Il est temps de réapprendre à partager."

Patricia Deschamps, septembre 2017


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