Les Autodafeurs

1 - Mon frère est un gardien

de Marine CARTERON

La fin des livres signerait la fin de l'humanité.

Le Rouergue, 2014, 329 p.
Le Rouergue, 2014, 329 p.

Le père d'Auguste Mars, 14 ans, vient de mourir dans un accident de voiture.

Effondrée, la petite famille va s'installer à La Commanderie, la propriété templière familiale où vivent papi et mamie.


L'intégration est difficile pour Auguste et pour sa petite sœur Césarine qui est autiste. D'autant plus que celle-ci, douée d'une intelligence hors du commun, comprend vite que la mort de leur père est suspecte : elle a vu un faux policier voler des plans dans le bureau... Et la veille de sa mort, M. Mars comptait se rendre à La Commanderie pour annoncer qu'il avait "enfin trouvé le trésor que sa famille a perdu il y a des siècles"...


Car en réalité, la famille Mars appartient depuis des générations à une Confrérie chargée de collecter et protéger la mémoire du monde ! Et le père d'Auguste et Césarine, qui était l'un des Gardiens de cette précieuse bibliothèque, a été assassiné par leurs ennemis, les Autodafeurs... Désormais, c'est à Auguste d'endosser son rôle... et de découvrir l'incroyable secret qui a causé sa mort.

Mon avis :

Rien de très original dans cette intrigue (une histoire de Templiers gardiens de la connaissance), ni dans le style, mais l'ensemble se lit bien. J'ai beaucoup aimé le personnage de Césarine la petite "artiste" surdouée. Les pages de son journal nous immergent dans son mode de fonctionnement et c'est franchement bluffant ! Comme tous les "Asperger", Césarine est "un ordinateur en socquettes" qui manipule les calculs de manière impressionnante, et c'est elle qui réalise les découvertes majeures de cette enquête. Si elle se révèle au début incapable d'exprimer le moindre sentiment, elle évolue de manière significative tout au long de l'aventure, notamment au contact de Sarah la petite trisomique, sa première amie.

Du coup à côté d'elle, Auguste semble presque insipide malgré son humour et ses talents en jiu-jitsu brésilien. Son nouveau copain Robert alias Néné, l'écolo geek, a presque plus de personnalité que lui.

Cependant ce qui m'a le plus agacée, c'est qu'il faut attendre presque la moitié du livre pour entrer dans le vif du sujet. Après tout s'enchaîne bien, les révélations et les scènes d'action, les explications aussi (les Autodafeurs sont les "méchants", car un autodafé c'est un bûcher), et les pages défilent à toute vitesse autour de la thématique principale : le contrôle du savoir.

Car le rôle des Gardiens est de conserver l'intégralité des écrits publiés par les différents peuples à travers le temps et le monde, afin que chacun puisse se les approprier et donc se faire sa propre opinion. Les Autodafeurs au contraire préfèrent cacher certaines connaissances au peuple afin de mieux le manipuler, distinguant ainsi la "pensée officielle" des manuscrits originaux. Une réflexion sur la disponibilité de l'information et le pouvoir qu'elle engendre qui, si elle est depuis longtemps un lieu commun, a le mérite d'intégrer une problématique antique dans une intrigue contemporaine. 

Patricia Deschamps, août 2015

 

2 - Ma sœur est une artiste de guerre

- Quel que soit le temps que nous mettrons, je vous le dit et je vous le promet solennellement ici : bientôt, nous, Autodafeurs, serons les seuls maîtres de la Vérité !

Le Rouergue, 2014, 380 p. (doado)
Le Rouergue, 2014, 380 p. (doado)

Les événements de la chapelle ont laissé un goût amer à Auguste : papi et mamie ont été tués par les Autodafeurs, sa mère est dans le coma, et les archives que la Confrérie conservait à Sainte-Catherine depuis des siècles ont été volées. Et surtout, bloqué dans ses déplacements par un bracelet électronique qu'on lui a imposé suite à son procès, l'adolescent doit se cantonner à la préparation du brevet et à sa formation de Traqueur, tout en ruminant sa vengeance future.

 

Cependant, malgré le déclenchement du Code Noir qui a fait passer la Confrérie dans la clandestinité, ses membres continuent d'être attaqués aux quatre coins du monde par les Autodafeurs... Il devient urgent de mettre les archives de la chapelle en lieu sûr !

 

De Vergy propose alors un plan pour s'évader avec le trésor... le soir du bal de fin d'année !

Mon avis :

Le premier tiers du roman manque un peu d'action (puisque Gus est limité dans ses déplacements), mais compense en développant davantage la psychologie des deux héros. Je suis toujours aussi fan de la petite Césarine qui, du haut de ses sept ans, fait preuve d'une intelligence et d'une pertinence que bon nombre d'adultes n'ont pas ! Se découvrant une passion pour L'art de la guerre du général chinois Sun Tzu, elle va non seulement mettre les autres "sur le cul" (sic) avec sa maîtrise des arts martiaux, mais aussi faire des découvertes primordiales pour la suite des événements, alors que "tout le monde fait l'erreur de la sous-estimer". Tout simplement époustouflante, Césarine a sans conteste plus de maturité que son grand frère !

Il faut dire que celui-ci est en pleine remise en question. Mais s'il donne l'impression de s'apitoyer sur son sort "comme un gamin", on sent au fond de lui un mélange de rage, de frustration et de culpabilité qui apporte des nuances nouvelles à sa personnalité. Il faudra du temps mais Gus finira par "accepter sa peine" pour aller de l'avant et retrouver son esprit d'initiative.

En attendant, les Autodafeurs prennent de plus en plus d'assurance et de pouvoir et leur projet de destruction massive des livres fait une avancée significative... On en apprend beaucoup plus dans ce deuxième tome sur les détails de leur plan machiavélique, à grand renfort de références à 1984 de George Orwell ou encore Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, deux romans d'anticipation incontournables sur des régimes totalitaires pratiquant la propagande pour asseoir leur domination. Car les Autodafeurs, après avoir joué les manipulateurs de l'Histoire, s'apprêtent à détruire les témoignages pouvant les incriminer en usant de technologies de pointe... Le terrible Adam Murphy et son projet GoodBooks, tout à fait réaliste, fait froid dans le dos ! On note au passage une opposition entre le monde ultra high tech des Autodafeurs, et celui "unplugged" de la Confrérie, symbolisé par un Gus anti réseaux sociaux : "Je suis plutôt fier de vivre en marge de ce monde de dégénérés", clame-t-il, et bien lui en fait, vu les dérives dont il est témoin...

Dans le dernier tiers l'action redémarre, Gus prend un nouveau départ, lâchant "sa vie trop futile pour avoir encore du sens à ses yeux". L'intrigue se complexifie mais gagne en profondeur, et Murphy est plus enragé que jamais... Suite et fin dans le tome 3 !

Patricia Deschamps, septembre 2015

 

3 - Nous sommes tous des propagateurs

Sur les étagères de la bibliothèques ne restait plus qu'une épaisse couche de poussière argentée aussi volatile qu'un souffle de désespoir et, en la contemplant, Alexandre eut la vision soudaine des cendres brûlantes d'Hiroshima.

Le Rouergue, 2015, 368 p.
Le Rouergue, 2015, 368 p.

Voilà presque un mois que Gus et les siens ont échappé aux Autodafeurs et qu'ils vivent terrés sur l'île de Redonda avec d'autres rescapés de la Confrérie.


C'est officiel, leurs ennemis ont déclenché leur projet "XIe plaie d'Egypte" : les insectes génétiquement modifiés qu'ils ont répandu dans les plus grandes bibliothèques du monde ont commencé leur oeuvre de destruction... Et ce que les Diadoques (les coordonnateurs des actions de la Confrérie) ont omis de préciser, c'est que le plan des Autodafeurs comprend la censure de tous les moyens de communication...


Si les adultes ont décidé de rester terrés en attendant de trouver une solution, les enfants ont bien l'intention de passer à l'action ! Césarine, qui a commencé à traduire les carnets qu'elle a récupérés, est persuadée que la victoire sur les Autodafeurs réside dans le mystérieux "Livre qu'on ne peut pas lire" qui y est évoqué...

Mon avis :

Dans ce troisième tome, l'intrigue se trouve relancée grâce à l'émergence de nouveaux personnages. Il y a Inès, tout d'abord, l'Espagnole en Rangers spécialiste des techniques de combat, que Gus surnomme rapidement "la reine des emmerdeuses" même si son charme tout particulier ne le laisse pas indifférent. Et puis Césarine trouve son alter ego en la personne du petit Rama, expert en algorithmes et statistiques, génie de l'informatique qui va seconder Néné et en exaspérer plus d'un avec sa manie de convertir chaque mission en (faible) pourcentage de réussite. On l'aura compris : encore beaucoup d'humour dans cette aventure à cent à l'heure ! J'ai personnellement un petit faible pour les deux enfants surdoués, qui ont l'art de réussir là où les adultes bloquent - plus d'un se fait surprendre dans l'histoire ! Césarine est sans conteste le personnage qui évolue le plus : elle va apprendre à changer d'avis, à développer sa sociabilité, et surtout à laisser s'exprimer ses sentiments.

Côté intrigue, l'auteur nous lance dans une aventure à la Indiana Jones (ou à la "cités d'or" version Caraïbes, c'est selon !), via une grotte sous-marine piégée par des mécanismes cachés dans la pierre, et des divinités animales (femme-grenouille, homme- chauve-souris) accompagnées de textes énigmatiques à décrypter. Notre groupe d'adolescents suréquipé qui survole les missions n'est pas toujours crédible, mais l'ensemble se lit bien et les pages défilent vite. La prise de pouvoir des Autodafeurs par la destruction de la culture est une thématique tout à fait pertinente : dans un avenir plus proche qu'on ne le pense, dans cette fiction comme dans la réalité, "les populations pressées et passives ayant renoncé à tout effort intellectuel" pourraient se laisser facilement embrigadées... Et la fin, surprenante, réserve une révélation complètement inattendue !

Une trilogie sympathique, qui mêle aventure, humour et réflexion !

 

Patricia Deschamps, octobre 2015


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