Le dernier songe de Lord Scriven

roman de Eric SENABRE

Il est temps pour moi d'aller dormir !

Didier Jeunesse, 2016, 250 p.
Didier Jeunesse, 2016, 250 p.

Londres, au début du XXe siècle.

Ancien journaliste dont la carrière s'est brutalement arrêtée à cause d'un industriel véreux nommé Kreuger, Christopher Carandini accepte un emploi de secrétaire auprès du détective privé Arjuna Banerjee.

 

Carandini comprend vite que Banerjee a des méthodes d'investigation pour le moins originales: "Pour connaître la solution à une énigme, j'ai besoin de la rêver" ! Il est donc chargé de l'assister pendant ses phases de sommeil qui obéissent à des règles très strictes.

 

Un jour, une affaire non moins atypique s'offre à eux : Lord Scriven, mort deux jours plus tôt, se présente sous les traits de son majordome dans lequel il prétend s'être réincarné... tout en assurant avoir été assassiné ! En menant leur enquête, Carandini et Banerjee se retrouvent sur la piste du fameux Kreuger...

Mon avis :

Eric Senabre revisite avec bonheur le roman à énigmes, entre logique et onirique !

D'emblée, l'ambiance, le style et le duo de détectives évoquent les enquêtes d'Auguste Dupin et celles de Sherlock Holmes. D'ailleurs le livre débute comme dans les aventures de ceux-ci par une démonstration des talents du détective : avant que démarre l'affaire Scriven, Christopher Carandini fait ses preuves aux côtés d'Arjuna Banerjee avec la mystérieuse disparition du Pacha bleu, un diamant d'une valeur inestimable (un lecteur aguerri trouvera d'ailleurs la résolution de l'énigme). Cependant, Arjuna Banerjee est un personnage bien différent du célèbre détective anglais !

Comme l'indique son nom, il est originaire d'Inde et il véhicule avec lui une culture orientale qui déstabilise ses interlocuteurs (à commencer par Carandini). Homme distingué issu d'un milieu raffiné, nonchalant et imperturbable, il apporte une autre façon de penser, une autre façon d'envisager les choses, qui laisse notamment la porte ouverte à l'irrationnel. C'est en cela que ses transes l'aident à résoudre les énigmes : "Je me contente d'observer les éléments que mon rêve expose. Sans mon rêve, je n'y aurais jamais pensé", "Mon rêve me permet d'organiser ce que je sais déjà et de mettre en lumière des éléments que mon conscient aurait laissé de côté". Le travail d'analyse (des preuves, des témoignages) est toujours présent, mais tout en laissant la place à l'inconscient et au paranormal. Contrairement à un Sherlock Holmes, Banerjee doute. Il fait même appel à l'hypnose ! Et contrairement à un Sherlock Holmes que l'on ne prend jamais en défaut, Barnejee a ses petites faiblesses (comme les puzzles en bois !)... ce qui le rend d'autant plus attachant et nous vaut des scènes assez drôles.

 

A l'opposé, Christopher Carandini est un homme pragmatique doué en conjectures et extrapolations ("C'est vous le déductif"). Comme souvent dans les duos de détectives, les deux hommes se complètent, même si cette fois c'est l'assistant le plus méthodique ! L'enquête joue habilement sur les deux registres (investigation traditionnelle et exploration mystique), ce qui donne une intrigue à plusieurs facettes : historique (pour l'époque), surnaturelle, et en même temps très actuelle avec les manigances politico-industrielles de Kreuger. L'ensemble est original, très bien écrit, et se lit avec délice !

Patricia Deschamps, janvier 2017

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Le vallon du sommeil sans fin

Tout ce que vous voyez ici, tout ce que vous faites, ne semble appartenir qu'à vous. Et pourtant, cette réalité est autant la mienne que la vôtre.

Didier jeunesse, 2018, 279 p.
Didier jeunesse, 2018, 279 p.

Depuis la résolution de l'affaire Lord Scriven, le détective privé Banerjee et son jeune assistant Christopher Carandini, sont appelés aux quatre coins de Londres pour élucider des mystères.

 

Mais lorsque le tenancier d'un établissement de cure vient leur demander de l'aide, le duo quitte la capitale pour rejoindre Dowland House, une demeure perdue au fin fond de la campagne anglaise.

 

La raison de leur venue : cinq patients plongés dans un sommeil agité... et sans fin. Plus intrigant encore : avant de s'endormir définitivement, chacune des victimes aurait aperçu une créature étrange, une ombre inquiétante rôder dans les couloirs...

Mon avis :

Quel plaisir de retrouver Carandini et Banerjee ! Ces deux-là se complètent parfaitement ("Nous avons chacun nos talents") et offrent une belle alliance du style anglais et de l'esprit oriental. Christopher le rationnel est un enquêteur de terrain perspicace. Arjuna le spirituel apporte à l'investigation sa philosophie indienne toute particulière. L'établissement de soins où ils sont en mission, Dowland House, concentre ces deux aspects de l'ambiance atypique du roman : situé dans la campagne anglaise (dans le Dartmoor, comme dans une œuvre d'Agatha Christie), son architecture mêle les deux tendances. Et surtout, il y règne une atmosphère quasi surnaturelle avec ces victimes mystérieusement endormies et cette Ombre démoniaque rôdant dans les couloirs... Une fois de plus l'auteur explore les secrets de l'inconscient, qu'il prenne la forme d'un rêve, d'une transe ou encore de somnambulisme. L'intrigue recèle peut-être moins de surprises que le premier épisode mais l'action ne faiblit jamais, et les songes révélateurs de Banerjee sont toujours aussi impressionnants d'ingéniosité ! Le duo est complété par Lenora, l'intrépide fiancée de Christopher, qui apporte une aide féminine non négligeable à l'enquête. Quant au fin mot de l'histoire, il dévoile un scénario particulièrement riche et finement conçu. On en redemande !

Patricia Deschamps, février 2019

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