J'ai tué un homme

roman de Charlotte ERLIH

- Ce qui vous arrive est un choc. C'est normal que vous soyez ébranlés.

Actes Sud junior, 2019, 123 p.
Actes Sud junior, 2019, 123 p.

 

Surmenage scolaire, pic de stress, ou trouble plus grave ? Arthur est hospitalisé pour cause d’épisode délirant. Le collégien passionné d’histoire se prend depuis peu pour Germaine Berton, une militante anarchiste, meurtrière d’un leader de l’Action française en 1923... Qu’arrive-t-il à Arthur, qui ne reconnaît plus les siens ni le monde qui l’entoure ? Parents, professeurs, camarades de classe, médecins, tous s’interrogent.

 

(Texte : service de presse)

Mon avis :

Un roman choral pour comprendre ce qu'est la schizophrénie.

L'histoire s'ouvre sur l'entretien entre Arthur et le psychiatre et l'on prend d'emblée la mesure de cette maladie où l'on se croit quelqu'un d'autre: persuadé d'être Germaine Berton qui a tiré à bout portant sur Marius Plateau, un membre important de l’Action française qu’elle juge responsable de l’assassinat de Jean Jaurès, Arthur est littéralement habité par le personnage qu'il connaît bien pour avoir lu son autobiographie. Si ces passages gorgés d'Histoire sont parfois fastidieux, ils sont bluffants de réalisme.

 

Avec les points de vue des parents, on essaie de "cerner le contexte d'Arthur", les signes précurseurs, l'influence éventuelle du passé familial (la mère est d'origine albanaise, elle vient du Kosovo). Même si Arthur "n'a pas du tout le genre de profils qui se retrouvent en hôpital psychiatrique d'habitude", il a toujours été "dans son monde". La mère partage son inquiétude et son sentiment d'impuissance face à ces "épisodes délirants". La cellule familiale éclate, les reproches fusent ("ce qui se passe en ce moment fait tout ressortir"), le père remet en question certains choix, comme celui de placer Arthur dans un collège d'excellence exigeant ("Comme si sa maladie était un avertissement").

 

En réalité on ne connait pas vraiment l'origine de la maladie, en tout cas il n'existe pas de "facteur unique". Le témoignage de Pia, dont la sœur est schizophrène, va dans ce sens: "Pourquoi elle et pas moi?". Le vécu d'Arthur aura au moins permis à sa camarade de libérer sa parole sur le sujet. On a également le point de vue du personnel soignant, qui évoque la difficulté à "stabiliser" les patients par la contention et les injections de calmants, la nécessité de rassurer les parents tout en leur faisant prendre conscience de ce qu'implique la maladie ("Votre vie et celle de votre enfant vont radicalement changer"), le tout dans un contexte toujours plus critique de manque de moyens et de personnel.

 

Peu à peu Arthur revient à lui, à travers des flashs de lucidité ("Je me vois en garçon"). Mais les délires ne sont jamais loin et la scène où il raconte qu'il entend "une voix qui s'élève" et que, lorsqu'il regarde ses mains, "chaque doigt me parle", est saisissante! Alors du coup, "c'est quoi, les perspectives, pour moi?". L'adolescent doit désormais "accepter les limites que lui impose la maladie": l'espoir réside dans le suivi du traitement, des séances au CMP (centre médico-psychologique) et un aménagement d'études. En effet, Arthur est "un malade en rémission, avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête". Il doit faire avec "le vide qui m'envahit"... au jour le jour.

Patricia Deschamps, mars 2020

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