Félines

roman de Stéphane SERVANT

Si vous ne m'aimez pas, c'est votre problème. Je suis comme je suis.

Rouergue, 2019, 374 p. (Epik)
Rouergue, 2019, 374 p. (Epik)

Tout a commencé à la piscine, dans le vestiaire des filles. Alexia préfère subir les moqueries plutôt qu'exposer son corps aux regards des autres. C'est entre ces murs carrelés et froids que les premiers signes se sont manifestés: le corps se couvre de poils, les sens s'aiguisent, la force et l'agilité sont décuplées.

 

Après Alexia, plusieurs cas seront recensés parmi les jeunes filles. Bientôt la peur gagne le lycée puis la ville dans sa totalité. Face à la multiplication du phénomène, le gouvernement met en place des mesures d'urgence de plus en plus stigmatisantes et oppressantes. Les Félines, comme elles se nomment, deviennent des parias. Louise est l'une d'entre elles.

Mon avis :

Une histoire de discrimination envers les femmes d'autant plus saisissante qu'elle se déroule chez nous, de nos jours.

Du jour au lendemain, la plupart des adolescentes se retrouvent couvertes d'un pelage les faisant ressembler à des chats. Parmi elles, Louise, dont le roman retranscrit le témoignage. Pourquoi elle? Qu'a-t-elle réalisé pour que son point de vue soit si important? Qu'est-ce qui l'a amenée à ces actes?

 

Louise débute donc son histoire juste avant les fameux événements qui ont bouleversé la vie de milliers de jeunes filles comme elle. Meurtrie par un accident qui lui a laissé un corps couvert de cicatrices et de broches, cette adolescente autrefois populaire se cache désormais sous des vêtements sombres et une cape. Ainsi, comme beaucoup de jeunes filles de son âge, Louise est complexée par ce corps qu'elle ne reconnaît plus, symbole exacerbé de la puberté qui transforme et déstabilise. Alors quand la pandémie se répand, les adolescentes, honteuses de ce corps couvert de poils, tentent de masquer la terrible réalité. Celle-ci serait liée à une mutation génétique obscure du chromosome 23 (celui porteur du sexe), une "dégénérescence" selon le fondateur de la Ligue de la Lumière, Savini, qui se pose rapidement en dictateur: ses discours encouragent l'isolement des adolescentes touchées qui se retrouvent traitées comme des parias. D'abord obligées d'accrocher à leurs vêtements une carte d'identification (qui rappelle l'étoile juive...) puis de porter une aube blanche pour cacher leur corps, elles sont dirigées vers des "centres d'aide" qui se transforment rapidement en camps d'internement. Souvent rejetées par leur famille (comme Fatia), elles subissent humiliations, haine, lynchages, privations de droits et de liberté.

 

A la différence de ses camarades, Louise refuse de se soumettre et entre en résistance: après tout, "même si mon apparence avait changé, je n'avais pas changé, moi. Au fond j'étais toujours Louise". Paradoxalement, la jeune fille se sent même mieux qu'avant physiquement et psychologiquement, la mutation ayant accru ses capacités et sa sensibilité. Et puis le pelage crée une unité entre les filles, un signe de reconnaissance dont Louise va faire un atout parce que "il fallait qu'on s'entraide". Cependant certaines félines vont tomber dans l'extrémisme ("Dégage, l'humain!"), bien déterminer à entrer en guerre contre les hommes qui leur font tant subir. Dès lors Louise doit trouver l'équilibre entre la défense légitime de leurs droits et l'excès de violence généré par le désir de revanche ("Tout ça va mal finir").

 

Pour Louise, l'essentiel c'est d'obtenir le droit à la différence. Les félines fédèrent d'ailleurs autour d'elles "tous ceux qui n'arrivent pas à trouver leur place dans ce monde", à commencer par son ami Tom. Les hommes, comme les femmes, sont souvent "enfermés dans des cases"... Ce que revendique Louise, c'est "être ce qu'on veut": "On n'a rien à vendre. On a que l'amour".

Après cette épreuve, à cause de tout ce qu'elles ont vécu, l'héroïne et ses camarades survivantes "ne sont plus et ne seront plus jamais les mêmes". Unies dans l'adversité, elles ont réalisé que "la Mutation nous amenait à considérer autrement nos corps, nos apparences, notre lien aux autres et à ce monde". Si rien n'est résolu, "le futur leur appartient" car les félines sont la preuve que le monde évolue, et qu'il doit évoluer, pour sa survie.

Patricia Deschamps, mars 2020

L'avis d'Anaïs, en 3e :

J'ai adoré ce roman qui parle des droits des femmes. L'intrigue est riche et on n'a pas le temps de s'ennuyer. L'histoire m'a provoqué plein d'émotions: j'ai été touchée par Alexia, la première victime, harcelée et mal aimée; j'ai été choquée quand Louise a failli mourir à cause d'imbéciles intolérants; j'ai eu envie de tuer Savini et Cathy la responsable des camps. Heureusement il y a Tom qui continue d'aimer Louise malgré son apparence de chat, et le père de Louise qui la soutient à la différence de beaucoup d'autres parents trop peu ouverts d'esprit.

Louise fait partie des rares qui assument leur transformation, elle préfère largement son pelage à ses cicatrices et ses blessures. C'est ça que je retiens avant tout du roman: toujours s'assumer, peu importe son apparence, ne pas laisser les autres se faire une fausse image de soi.

La fin n'en est pas vraiment une, il y a toujours des camps, mais on sait que les félines vont continuer à se battre parce que l'espoir est revenu.

voir aussi "Ma vie de monstre" d'Anne Pouget
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