Demain n'est pas un autre jour

roman de Robyn SCHNEIDER

Tout ce qui constituait ma personnalité, ma vie et mes envies avait été éradiqué pour céder la place à la maladie.

Gallimard jeunesse, 2017, 282 p.
Gallimard jeunesse, 2017, 282 p.

Parce qu'il est atteint de tuberculose, Lane est envoyé au sanatorium de Latham House où il doit suivre un programme strict, allégé en cours et ménageant de larges plages de repos. Or Lane est un lycéen ambitieux et travailleur qui se destine à des études brillantes... si son corps le veut bien.

 

Sur place il retrouve Sadie, qu'il avait connu quatre ans plus tôt dans une colonie de vacances. Avec son groupe d'amis, la jeune fille joue les rebelles, cherchant à retrouver un semblant de normalité.

Car comment vivre quand on sait qu'on n'a pas d'avenir ?

Mon avis :

Coup de cœur pour ce roman d'initiation doublé d'une histoire d'amour, qui fait réfléchir sur le sens que l'on souhaite donner à sa vie, à travers le regard d'adolescents malades.

 

Si les points de vue alternent ceux de Sadie et de Lane, c'est bel et bien ce dernier que l'on voit évoluer au fil du roman. Dans un premier temps, l'adolescent doit accepter la maladie et ses conséquences. A Latham, Lane se sent "très éloigné de ma vie d'avant". Lui qui cherche "un semblant de normalité", considérant l'établissement comme "une étape, une parenthèse dans ma vie", se trouve confronté à l'absence de liberté et d'intimité. Dortoirs sans internet ni téléphone, bracelets connectés pour le suivi médical, cours en autonomie parce que les enseignants ont peur d'être contaminés : "l'ennui suinte de toutes parts". Ici le mot d'ordre est "siestes et balades en forêt" et Lane ne tarde pas à réaliser, bouleversé, que son statut de malade fait que "se sentir bien et en bonne santé n'a plus rien de normal"...

 

Plus ancienne pensionnaire de Latham ayant vu plus d'un camarade partir (au sens propre comme au figuré...), Sadie a depuis longtemps passé ce cap. Pour elle et son petit cercle d'amis, "Latham nous avait permis de nous réinventer". Consciente que "tout le monde ici avait une autre vie derrière soi, souvent laissée dans la précipitation, parfois pour toujours", le jeune fille a décidé de tirer parti de la situation plutôt que de la subir. Ainsi, avec Charlie, Nick et Marina, "on défiait l'autorité et on enfreignait les règles en cachette". Rebelle et combatif, le quatuor fait plus que se donner une "illusion de normalité" : "Ils vivaient une aventure". Avec eux, Lane va fissurer son "image de premier de la classe" obnubilé par ses projets d'avenir et amorcer un changement en profondeur : "devenir une version différente de moi-même".

 

On s'attache très vite à ces adolescents confrontés à leur propre mort. Car il faut bien se l'avouer : les symptômes de la tuberculose sont terribles (quintes de toux pouvant mener à l'expectoration de sang, fatigue à la moindre infraction au programme de repos, douleurs pectorales...) et la dégradation physique peut survenir très rapidement. Hypocrites, les adultes refusent d'envisager officiellement cette possibilité (la mort) : "ici, on nous demandait de croire aux miracles". Et même que l'on réintègre sa vie d'avant, à quel prix ? Etre considéré comme un pestiféré par son entourage, comme l'ex petit ami de Marina ("J'étais le monstre de Frankenstein") ? "Accepter ma maladie avait été une souffrance", reconnaît Lane, "mais l'espoir m'était encore plus douloureux".

 

Désormais convaincu que "la vie qu'on s'imagine n'est pas nécessairement celle qui nous est donné de vivre", l'adolescent, libéré, s'adonne au planning proposé ("renoncer à mes devoirs, faire la sieste et m'accorder neuf heures de sommeil par nuit constituait un solide programme de guérison") et profite de sa première grande et belle histoire d'amour ("Une copine, des potes, une chambre à soi, zéro devoir et zéro corvée? Moi j'appelle ça la belle vie"), conscient que jusque là "je n'avais pas vraiment eu de vie, mais un plan de vie". Mais pour Sadie (qui ne va pas sans rappeler Hazel de Nos étoiles contraires), la situation n'est pas si simple : comment s'engager pleinement dans une relation quand "l'unique personne au monde que je ne pouvais pas supporter de perdre" est atteinte d'une maladie incurable ? Qui peut prétendre savoir "ce que ça faisait d'être jeune, malade et terrifié à l'idée de ne pas avoir accompli tout ce qu'on voulait, de ne pas avoir assez de temps devant soi?"... Cependant l'essentiel n'est-il pas que les choses aient existé, "peu importe la durée" ? C'est la conclusion à laquelle Lane aboutira avec philosophie : quelle que soit l'issue de cette histoire, "l'expérience nous avait changés pour toujours". Il aura notamment compris "l'intérêt du chemin à parcourir plutôt que la destination"...

 

Patricia Deschamps, décembre 2017


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