Ce qui fait battre nos cœurs

roman de Florence HINCKEL

- Je ne suis pas un symbole, je suis une personne.

Syros, 2019, 442 p.
Syros, 2019, 442 p.

À la moindre émotion, la petite sœur d'Esteban est en danger: elle vit avec un cœur artificiel bas de gamme. En 2030, le marché propose pourtant des organes performants et sûrs, fabriqués par la société Organic... encore faut-il pouvoir se les payer.

 

Désespéré, Esteban kidnappe Leila, une jeune fille célèbre car "artificielle" à 96%, ainsi que Noah, le riche héritier d'Organic. Le deal? Il relâchera les otages s'il obtient un nouveau cœur pour sa sœur. 

 

Commence une nuit de cavale sur les routes de France, retransmise en direct sur les réseaux sociaux.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Un livre d'action qui aborde l'intelligence artificielle sous l'angle de l'éthique.

En exigeant un cœur artificiel de qualité pour sa petite sœur à la place de l'organe tarif sécu qui s'arrête régulièrement, provoquant la panique de ses proches, Esteban touche du doigt un dysfonctionnement majeur du système de santé: "Il ne fait que réclamer un peu plus de justice en ce bas monde" en demandant un accès équitable aux prothèses et organes artificiels. D'ailleurs l'opinion publique ne s'y trompe pas: "les défavorisés se reconnaissent en lui" et son "capital sympathie" grimpe en flèche grâce aux réseaux sociaux. Filmé en permanence par les badauds qui les suivent sur #Cavale, Esteban et ses "otages" jouent du phénomène pour faire flancher le gouvernement.

 

Peu à peu les quatre jeunes se lient dans le combat. Le récit, constitué de chapitres courts, alterne les points de vue du héros, de Leila et de Maria, et se révèle particulièrement rythmé. Chacune des deux filles a une bonne raison de s'associer à Esteban: Leila, touchée par une maladie, est entièrement constituée d'organes artificiels à part le cerveau et beaucoup la considèrent comme un monstre, une aberration. Depuis l'accident de voiture qui lui a coûté son bras, Maria est équipée d'une prothèse "augmentée"(en force) qu'elle a fabriquée elle-même dans l'illégalité. Avec elles se pose la question des dérives liées à la technologie: désormais "l'humain se croit tout permis et n'a plus aucune limite", comme en témoignent ces "vieillards rajeunis" qui remplacent leurs organes trop vieux pour repousser la mort, ou encore ces inconscients téméraires qui prennent des risques inconsidérés sous prétexte que l'on peut réparer n'importe quelle partie du corps!

 

Le plus mystérieux du groupe est sans conteste Noah, le fils du PDG d'Organic qui détient le monopole (contestable et contesté!) du commerce des organes artificiels. Peu loquace, on se demande de quel côté il se situe. Quand enfin il commence à se dévoiler, on comprend que c'est un adolescent solitaire à "la vie vide de sens et d'affection". Un lecteur aguerri comprendra son secret bien avant la fin (l'auteur glisse de nombreux indices) et du coup les derniers chapitres peuvent sembler longs: on a hâte de connaître l'issue de cette cavale pleine de rebondissements.

Les notes de fin d'ouvrage permettront aux intéressés d'approfondir le débat opposant les transhumanistes (qui prônent l'utilisation des découvertes scientifiques et techniques pour l'amélioration des performances humaines) et les bioconservateurs.

Patricia Deschamps, décembre 2019


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