Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre

roman de Ruta SEPETYS

On milite pour ce qui est juste, sans attendre la moindre récompense ni même la moindre gratitude.

Gallimard jeunesse, 2015, 432 p. (pôle fiction)
Gallimard jeunesse, 2015, 432 p. (pôle fiction)

 

Lina est une jeune Lituanienne comme tant d'autres. Très douée pour le dessin, elle va intégrer une école d'art.

 

Mais un nuit de juin 1941, des gardes soviétiques l'arrachent à son foyer. Elle est déportée en Sibérie avec sa mère et son petit frère, Jonas, au terme d'un terrible voyage. Dans ce désert gelé où ils sont logés dans des huttes, sous-alimentés, brutalisés et harcelés par les Soviets, il faut lutter pour survivre

 

Malgré tout Lina tient bon, portée par l'amour des siens et son audace d'adolescente. Dans le camp, Andrius, 17 ans, affiche la même combativité qu'elle.

L'avis de Michaël, en 1ère :

C'est en lisant Le sel de nos larmes que j'ai eu envie de découvrir ce roman : je suis passionné par la Seconde Guerre mondiale, j'ai beaucoup lu sur le sujet, et je trouve que Ruta Sepetys l'aborde sous des angles nouveaux. Ici il est question du terrible parcours d'une jeune Lituanienne à l'époque où Staline a pris possession du pays, ce qui est une partie de l'Histoire peu connue, en tout cas vite abordée en classe. Lina a passé un an en Russie dans un kolkhoze, une grande ferme coopérative, puis douze ans dans un camp de travail en Sibérie. Les conditions de vie sont inhumaines, les gens y sont traités comme des esclaves. C'est un roman très réaliste, dans lequel Lina raconte comment ses proches et elle se sont débrouillés pour survivre. Ces gens sont vraiment impressionnants et on ne peut que se demander si, à leur place, on aurait été aussi courageux... Le récit est d'autant plus émouvant qu'il est inspiré d'une histoire vraie ! Rentrée en 1954, Lina a caché ses écrits et ses dessins, trop traumatisée pour avoir la force d'en parler. Une histoire bouleversante que je recommande vivement !

Novembre 2017

Mon avis :

Un excellent conseil lecture de mon fiston !

D'emblée, la carte donne le ton : c'est une longue, terrible, inhumaine épreuve qui attend l'héroïne. Mais Lina est "une vraie tête brûlée", "une véritable résistante" et surtout elle a "des opinions bien à toi". S'il vaut mieux qu'elle évite ses caricatures de Staline au milieu des soldats du NKVD, ses talents de dessinatrice sont un atout indéniable pour témoigner des atrocités dont ses compagnons et elle sont victimes : "Le monde n'a pas la moindre idée de la façon dont les Soviétiques nous traitent." Sous-alimentés, exploités, violentés voire sommairement abattus, les Lituaniens se battent pour survivre - volant, rusant - mais beaucoup y laisseront la vie... Certaines scènes sont atroces et en même temps, hors de question pour Lina, sa mère et son frère de renier leurs valeurs de solidarité : "Un supplément de nourriture ne vaut pas une conscience en paix."

 

Pour tenir, la jeune fille se remémore des souvenirs (en italique dans le texte) de sa maison, de sa cousine Joana et de son pays. Au kolkhoze, on fête comme on peut Kucios (la veille de Noël) et les anniversaires, se raccrochant à de petits événements. Lina se raccroche aussi à l'espoir que son père, embarqué dans un autre wagon à bestiaux, est encore vivant et que ses messages lui parviendront. Et puis on se nourrit de l'espoir américain, comptant sur les Etats-Unis pour libérer la Lituanie, "prise au piège - coincée entre les deux tyrans". Pour autant la libération ne marquera pas tout à fait la fin du calvaire, les survivants n'ayant pu retourner au pays que dans le milieu des années 1950 comme l'explique l'auteur dans ses notes. Ruta Sepetys s'est en effet documentée à partir de sa propre histoire familiale, mue par un admirable devoir de mémoire et une volonté de dresser l'amour et "la force miraculeuse de l'esprit humain" face à la haine et la guerre.

 

Patricia Deschamps, janvier 2018


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