Parmi les vivants, tome 1 : Abel

roman d'Alex COUSSEAU et Valie LE GALL

Les rêves sont une façon qu'a trouvée notre cerveau pour évacuer durant la nuit le trop plein de nos jours. Tout ce qui déborde, les joies et les peines. Surtout les peines. Tout ce qui nous fait mal. Les éclats de vie, les malentendus, les silences et les blessures. Les peurs. Les désirs inassouvis. La honte.

Les rêves ont la signification qu'on leur donne.

Rouergue, 2016, 244 p. (Epik)
Rouergue, 2016, 244 p. (Epik)

 

Inoke l'a aperçu tôt un matin alors qu'elle guettait un renard dans la forêt. Vlad l'a surpris endormi dans l'une des chambres d'hôtel de ses parents. Il est entré chez Esther par la fenêtre parce qu'il "n'aimait pas les portes". Qui est ce mystérieux Abel qui hante la petite ville où habitent les trois amis d'enfance ?

 

Dans la poche de son long manteau noir, il cache une médaille de 1680, qu'il perd chez Esther. Si celle-ci figure une étrange inscription : "Ci-dedans repose le cœur de noble dame Louise"...

 

 

Mon avis :

♪ Ouvre ta poitrine et retires-en le cœur / Ouvre ta poitrine ♫ (p.164)
♪ Ouvre ta poitrine et retires-en le cœur / Ouvre ta poitrine ♫ (p.164)

Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est le décalage entre l'atmosphère intemporelle créée par Abel l'insaisissable, et la réalité ancrée dans le quotidien des trois adolescents.

 

Si l'intrigue s'ouvre sur les mystérieuses apparitions d'Abel, apportant d'emblée à l'histoire sa dimension fantastique, celle-ci se déroule néanmoins à notre époque autour de trois héros animés de préoccupations bien actuelles. Esther incarne l'entrain et la bonne humeur au sein de leur trio, bien qu'elle souffre de l'absence de ses parents, obnubilés par leur travail. A l'opposé, Inoke, "solitaire, secrète et sauvage", mal dans sa peau depuis la mort de sa mère, ne fait rien pour se mettre en valeur. Alors qu'aux yeux de Vlad, secrètement amoureux d'elle depuis toujours, elle est d'une beauté incontestable. Avec l'arrivée d'Abel, les adolescents sont contents "qu'il se passe enfin quelque chose dans cette ville".

 

La découverte de la médaille les conduit à mener des recherches sur les reliquaires, tandis qu'Abel continue d'apparaître et disparaître sans véritablement répondre à leurs interrogations. Parallèlement, leurs rêves s'intensifient, surtout ceux de personnes disparues (la mère d'Inoke, l'arrière-grand-mère de Vlad), qui semblent vouloir "nous dire quelque chose par l'intermédiaire d'Abel". A moins qu'Abel ne soit davantage un révélateur qu'un messager... A son contact, les trois amis vont en effet être amenés à intérioriser leurs sentiments pour mieux les analyser. Car ce qui anime Abel, c'est l'amour...

 

L'action n'est pas en reste puisque la médaille est dérobée par le crétin du quartier, Samuel, et qu'une course contre la montre pour la retrouver s'enclenche : privé de son objet fétiche, Abel se meurt lentement... A moins qu'il ne le soit déjà ?

La fin du tome nous laisse en plein suspens avec une Esther métamorphosée, vidée de son énergie légendaire, gênée par des fourmillements se répandant peu à peu dans son corps, et l'esprit habitée par la voix de Louise, la femme qu'Abel aime et recherche...

Patricia Deschamps, août 2017

Parmi les vivants, tome 2 : Louise

Avant de penser aux morts, on ferait mieux de se soucier des vivants.

Rouergue, 2017, 283 p. (Epik)
Rouergue, 2017, 283 p. (Epik)

 

Esther, au plus mal depuis qu'une cicatrice en forme de T, identique à celle d'Abel, est apparue sur sa poitrine, prétend être morte.

 

De son côté, Vlad a trouvé la tombe de Louise, ouverte... mais vide. Est-ce cette femme aux longs cheveux roux que l'on voit rôder en ville ?

 

Inok en est persuadée : il faut aider les deux amoureux pour libérer tout le monde de leur emprise néfaste. Abel, paraît-il, a eu un accident : il est coincé sous un tas de pierres...

Mon avis :

♪ City girl, what have we done to ourselves ♫ (p.85)
♪ City girl, what have we done to ourselves ♫ (p.85)

L'intrigue est lente à démarrer dans ce tome 2 proposant le même ressort narratif que le précédent mais en inversant les rôles : cette fois c'est Louise qui est à la recherche d'Abel. Esther n'en finit pas de s'étioler physiquement et mentalement mais il faut attendre la moitié du roman pour que ses amis décident enfin de réagir, et encore quelques autres pour qu'ils passent effectivement à l'action.

 

En fait, l'ambiance y est beaucoup plus onirique, et même vaguement inquiétante. La présence des deux défunts "parmi les vivants" perturbe la nature ("Les animaux nous craignent") ainsi que le temps. Des portes se sont ouvertes entre passé et présent, un "passage interdit", une "aberration" entre le monde des morts et celui des vivants. Rêves et réalité s'entremêlent, ils sont "l'envers et l'endroit de nos mondes". Si Esther est la plus vulnérable, c'est qu'elle est "déracinée. Sans passé auquel s'accrocher." Dimitri, le jeune frère de Vlad, se met aussi à voir apparaître des défunts, à recevoir des messages en rêve. On s'attend au pire, pourtant la fin se révélera plutôt poétique, dans un cadre naturel (une forêt, un lac, un pigeonnier) aux allures romantiques, pour ce qui est avant tout l'histoire d'un amour si puissant qu'il aura vaincu les siècles et les obstacles.

 

Ainsi, ces adolescents qui n'aspiraient qu'à "être tranquilles, profiter de l'été" ressortiront encore plus complices de cette expérience bouleversante ("ce qu'on a vécu ces derniers jours nous a tous rapprochés") et surtout, transformés : "Nous ne sommes plus tout à fait les mêmes". Ils auront appris, entre eux, avec leurs proches, à libérer les sentiments et les mots.

Patricia Deschamps, août 2017

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