Moi, Cerbère, gardien des Enfers

roman de Sylvie BAUSSIER

Scrineo, 2022, 102 p.
Scrineo, 2022, 102 p.

 

"Je suis Cerbère, un chien à trois têtes. J’aime mes parents, mes frères et sœurs, mais je rêve aussi de découvrir le vaste monde. Hélas, j’ai rencontré le dieu Hadès, et aujourd’hui, attaché à une chaîne impossible à briser, je dois garder l’entrée des Enfers. Comment cela a-t-il pu arriver ? Voici mon histoire…" Vous connaissiez le récit du héros Héraclès, découvrez la version de Cerbère…

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Après le Minotaure et Ligia la sirène, c'est au tour de Cerbère de nous raconter comment il est devenu, malgré lui, un monstre. Car tel est le principe de cette collection mythologique: nous raconter comment des événements ou des personnes (les dieux de l'Olympe, la plupart du temps) ont transformé des créatures inoffensives en être aigri et agressif, en adoptant le point de vue du concerné (et non du héros qui l'a combattu). Cela permet de nuancer le mythe et fait réfléchir à l'influence du narrateur sur la perception d'une situation.

 

Cerbère (qui, en plus de ses trois têtes, a une queue terminée par un dard de scorpion) vient d'une famille atypique: son père, Typhon, a des têtes de dragons lui servant de doigts; son frère Orthros est un chien à (seulement) deux têtes, son second frère n'est autre que le lion de Némée qu'Héraclès affrontera lors de ses douze travaux, tout comme sa sœur l'hydre de Lerne... Une famille bien "étrange"! Mais somme toute une fratrie comme les autres, qui joue et se chamaille.

 

Et voilà que, manipulé et piégé par Hadès (lui-même victime de son frère Zeus), Cerbère se retrouve enchaîné aux Enfers pour en garder l'entrée. On découvre à travers lui le fonctionnement de ce lugubre endroit dont les âmes ne doivent pas sortir et les vivants entrer. Il y aura néanmoins quelques exceptions: Héraclès couvert de la peau de Némée ("Le lion est mort"), Eurydice et Orphée à la musique envoûtante, et l'épisode, plus court (et moins connu), de Sybille et Enée.

 

Tout au long du récit, on ressent la solitude et le désespoir de Cerbère: "Je pleure sur la faim qui tenaille mon ventre, sur l'ennui qui tisse mes jours, sur ma liberté perdue et ma famille inaccessible". Bien loin de son image de monstre, Cerbère donne plutôt l'impression d'être un pauvre chien malheureux. J'ai aimé le fait qu'il ait des pensées contradictoires simultanées, chacune issue de ses trois cerveaux. Cerbère l'agressif, celui qui a peur et celui qui réconforte se côtoient dans une certaine subtilité de l'être, révélant chacune un aspect différent de sa personnalité.

 

Il n'y a pas vraiment de fin à cette histoire, puisque le gardien des Enfers y est toujours prisonnier... Il semble garder espoir de sortir un jour... En attendant, il s'efforce de rester "au moins libre en esprit".

Patricia Deschamps, mai 2023


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