Max

roman de Sarah COHEN-SCALI

Je suis l'enfant du futur. L'enfant conçu sans amour. Sans Dieu. Sans Loi. Sans rien d'autre que la force et la rage. Heil Hitler !

Gallimard, 2013, 472 p. (Scripto)
Gallimard, 2013, 472 p. (Scripto)

 

20 avril 1936, au foyer de Steinhöring, dans la banlieue de Munich.

 

C'est l'anniversaire d'Hitler et Max s'apprête à naître en son honneur. Il est le premier bébé d'une longue série de naissances programmées, fruit de l'union imposée entre des femmes allemandes, sélectionnées par des experts en procréation, et des gradés de l'armée afin de servir l'idéologie aryenne du Führer. Objectif : créer une jeunesse "impérieuse, intrépide, cruelle", "devant laquelle le monde tremblera"...

 

Mais si Max - rebaptisé Konrad lors d'une cérémonie officielle présidée par le Führer lui-même - a passé avec succès à sa naissance les rigoureux contrôles liés au physique qui lui ont assuré de rester en vie, il n'est pas garanti pour autant d'être maintenu dans le programme Lebensborn : nombreux sont les bébés "écartés" pour cause de "maladie" (bec-de-lièvre, surdité, asthme...) que l'on envoie dans des "instituts scientifiques" à des fins d'expérimentation... Et puis le caractère est primordial aussi pour devenir un authentique enfant guerrier !

 

Mais malgré son tout jeune âge, notre héros est prêt à tout pour devenir un représentant exemplaire de la race aryenne !

Mon avis :

Attention, livre-choc ! Max/Konrad a beau être un bébé, il est empreint des discours hitlériens dans lesquels il baigne depuis sa conception, et les propos antisémites sont d'autant plus percutants dans sa bouche !

Dès sa naissance, vécue comme son premier combat, Max/Konrad tient un discours nazi passionné sur la place des femmes (Kinder, Küche, Kirche : les enfants, la cuisine, l'église), les "parasites" de la société (comme les déficients mentaux, les homosexuels ou encore les gens du voyage), la haine du Juif et surtout sa fascination pour l'armée et son adoration pour le Führer. "Premier né de la race aryenne", Konrad est traité comme un enfant-roi, un Klein Kaiser et il s'évertue dès son plus jeune âge à être le modèle parfait d'une "jeunesse devant laquelle le monde tremblera. Une jeunesse impérieuse, intrépide, cruelle".

 

Tandis que les autres enfants sont progressivement adoptés, Konrad est élevé dans le Heim auprès du docteur Ebner qui lui donne rapidement un rôle primordial dans la germanisation des enfants polonais. Complice des Braune Schwester et de la Gestapo dans l'enlèvement des petits Polacks au physique aryen, puis à l'école où il sert d'exemple de "parfait petit Allemand" en passant par la Napola où est formée la future élite SS, Konrad s'évertue à être "coriace comme du cuir, dur comme de l'acier Krupp". Habité par le Draufgängertum (la vaillance), il se sent invincible, immortel.

 

Cependant, Konrad n'est pas aussi insensible qu'il le prétend, comme en témoignent ces maux de ventre terribles qui le prennent de temps à autre. "Perturbations psychologiques", dit le docteur Ebner, ou autrement dit, l'affectif qui s'exprime. Konrad a beau prétendre que "Ma mère, c'est l'Allemagne, et mon père, le Führer !", il reste un petit garçon tenaillé par le manque d'affection maternelle. Le "départ" de sa mère alors qu'il n'avait que quelques semaines, la "disparition" de Bibiana qui "jouait" sa mère pour mieux berner les Polonais... Konrad reconnaît que "les souvenirs ne sont pas si faciles que ça à effacer". Et puis il y a les "copains" aussi, compagnie précieuse pour cet enfant élevé seul dans un monde d'adultes. Mais Wolfgang sera tué sous ses yeux, quant à Lukas, le Polonais rebelle au parfait physique aryen, il est... juif ! Ce qui pose un énorme cas de conscience à notre BPFP ("Baptisé Par le Führer en Personne") qui le considère comme un grand frère...

 

La dernière partie du livre est consacrée à la survie des deux copains dans un Berlin en ruines envahi par les Ivan (les Russes), jusqu'à la défaite avérée du Reich et l'arrivée des Américains. Konrad tiendra alors sa promesse à Lukas qui lui avait demandé : "Il faudra qu'on témoigne, tous les deux. Moi, pour ce qu'ils ont fait aux Polonais et aux Juifs ; toi, pour ce qu'ils t'ont fait." Et pour la première fois de sa vie, le petit garçon pleurera...

Un roman à la fois percutant et fascinant ! Qui fait réaliser que l'eugénisme n'est pas de la science-fiction... mais de l'Histoire.

Patricia Deschamps, juin 2014

L'avis de Michaël (4e) :

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