Luna viva

roman de Aurélie BENATTAR

Sarbacane, 2016, 226 p. (Exprim')
Sarbacane, 2016, 226 p. (Exprim')

Depuis la mort de sa mère, Luna n'a plus la force de vivre. Son frère, qui l'a forcée à reprendre l'activité de cartomancie du cirque, l'oblige à tirer les cartes à longueur de journée dans sa minuscule caravane, grimée en voyante. Et si les recettes ne sont pas suffisantes, Gidy la frappe.

 

Épuisée d'être malmenée, d'être isolée des autres forains, Luna a fait une tentative de suicide qui l'a clouée dans un lit d'hôpital pendant trois semaines. Tandis qu'on la réanimait, la jeune fille a vécu une étrange expérience : elle est entrée en contact avec le fantôme d'un garçon métis qui, lui, n'a pas survécu...

 

De retour dans sa roulotte, le mystérieux spectre lui est réapparu : que lui veut-il ? Gidy aussi est toujours là, avec ses brimades humiliantes. Mais voilà que le chef des forains, Le Falcone, propose à Luna de participer à un grand concours de cartomancie : au contraire de la jeune fille, il est persuadé qu'elle a un véritable don. Sa soeur Izabella lui servira de mentor.

Serait-ce le début d'une nouvelle vie, plus heureuse, pour Luna ?

Mon avis :

Un roman qui touche à plusieurs genres sans pourtant réussir à captiver véritablement.

On fait tout d'abord connaissance avec l'héroïne dans une ambiance sordide : esclave d'un frère violent, Luna subit, survit, seule avec son chien Sagittaire dans sa roulotte au bout de la fête foraine. Seules les petites Cassandre et Suzy viennent, de temps à autre, lui rendre une visite clandestine. Seuls les souvenirs douloureux de sa mère morte occupent ses pensées.

Avec les apparitions du "Lion Soleil", le fantôme du garçon métis, l'intrigue prend des allures de roman fantastique et sentimental. Les tirages de tarot confèrent aussi au surnaturel. Izabella est une grande voyante et avec elle, on plonge véritablement dans le monde de la divination. La quinquagénaire teste son apprentie, lui prodigue des conseils, lui confie des secrets d'initiée. On comprend que dans le milieu forain, les voyant(e)s tiennent une place à part. Certains leur font la guerre, inquiets du pouvoir qu'elles détiennent - ce qui fait immédiatement penser à la chasse aux sorcières du Moyen Age.

Quand le concours démarre, on a ensuite l'impression de participer à un jeu de télé-réalité, avec ses épreuves éliminatoires et ses rivalités. Et puis l'on passe en mode thriller, avec des forains aux intentions néfastes : "C'est un monde complexe, avec des luttes de pouvoir sans merci.", explique Izabella. De mentor, celle-ci passe à protectrice, amenant progressivement sa protégée à prendre confiance en elle ("Je crois que j'avais envie de me prouver que je peux") et surtout, à accepter sa différence : "Ses fléchettes ont percé ma solitude, et le prix à gagner est le plus beau des cadeaux : la légitimation de ma différence. J'ai enfin le droit de ne pas me sentir des leurs." C'est donc au final un roman d'initiation que l'on referme, après un ultime affrontement, libérateur, avec son horrible frère.

Mais tous ces changements d'orientation, au lieu de nourrir mon intérêt, m'a au contraire déstabilisée, me donnant le sentiment que l'auteur elle-même ne savait pas où m'emmener. Le dernier épisode notamment, s'il peut se justifier du point de vue de l'intrigue, a été le rebondissement de trop : un peu convenu, il nous fait par ailleurs retomber dans le sordide du début. C'est dommage, parce que le monde des forains et la voyance sont des thématiques que j'affectionne et je pensais davantage apprécier cette histoire !

Patricia Deschamps, juillet 2016

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