New York, 1927.
Sonny est un afro-américain de 14 ans qui vit avec sa mère dans un modeste appartement dans le quartier de Harlem. Pour aider financièrement sa maman, Sonny fait ce qu’il peut quitte à parfois tomber dans l’illégalité.
Mais lorsqu’il découvre le jazz et apprend à jouer cette musique sur le saxophone ayant appartenu à son défunt père, la vie de Sonny va prendre un chemin imprévu.
L'avis de Fabien, bibliothécaire :
Après Flow, thriller SF en deux tomes, Mikaël Thévenot change radicalement d’univers et nous offre un récit initiatique situé dans le New-York des années 1920, celui de la guerre des gangs, du jeu, de la prohibition et des clubs de jazz enfumés. C’est d’ailleurs cette atmosphère qui séduit d’entrée le lecteur car avec un style simple mais évocateur, l’auteur fait brillamment revivre cette époque particulière à l’aide de descriptions précises et de brefs rappels historiques nécessaires (le rôle des afro-américains durant la Grande Guerre notamment).
Si le personnage de Sonny, adolescent attachant fou de musique (... et de Jules Verne, ce qui nous vaut de très beaux passages sur Deux ans de vacances), emporte tout de suite la sympathie du lecteur, les autres protagonistes sont également très réussis, en particulier le mystérieux Charlie Green qui deviendra son maître à penser (et à jouer!).
Mais Le petit prince de Harlem est également (surtout?) un magnifique hommage à la musique, sa magie, son pouvoir et sa transmission. L’auteur a d’ailleurs eu la bonne idée de publier une playlist reprenant ses morceaux préférés pour prolonger le plaisir. Il y a fort à parier que le néophyte sortira de sa lecture avec l’envie d’en savoir plus sur le jazz et ses artistes les plus fameux.
Ce qui n’est pas la moindre des qualités de ce roman définitivement touchant, palpitant (comme un cœur) et légèrement mélancolique... un peu comme le célèbre « Mood indigo » du grand Duke Ellington !
Novembre 2018
Mon avis :
On s'attache très vite au personnage de Sonny, qu'il se présente sous les traits d'un vieux monsieur pudique revenant sur son parcours de musicien dans un cahier griffonné sur un banc, ou, dans ses souvenirs, d'un adolescent noir qui un jour eut un coup de cœur pour le jazz en écoutant son voisin saxophoniste ("Sa musique me faisait un drôle d'effet"). Il est bien sûr beaucoup question de musique ("C'est ton âme qui chante là-dedans!"), mais aussi de relations familiales entre évocation d'un papa (saxophoniste lui aussi) décédé, d'une maman malade (à cause de la poussière qu'elle respire à l'usine), d'un oncle Joseph et une tante Félicia (voisins du dessous) attentionnés, et de petits camarades d'immeuble dont Sonny s'occupe comme d'un grand frère. Enfin on (re)découvre avec le jeune héros le quotidien à Harlem, entre petits trafics pour survivre et "violence d'un monde en noir et blanc". Dès lors qu'il comprendra que "les lignes qui nous séparent les uns des autres, finalement, elles ne sont que dans nos têtes", Sonny fera le choix d'une vie nomade, consacrée à la musique dans ce qu'elle a de plus pur et de sincère. Quant au saxophone, il deviendra le symbole immortel d'un talent et d'un style qui se transmettent à travers les générations.
Patricia Deschamps, juin 2019