Le monde est derrière toi

roman de Marian DE SMET

- Où est-ce que tu vas, en fait ?

- Nulle part en particulier. Je mets de la distance, c'est tout.

Actes sud junior, 2015, 210 p.
Actes sud junior, 2015, 210 p.

Eppo, dix-sept ans, fait du stop depuis les Pays-Bas pour se rendre en France. Il espère se changer les idées en voyageant.

 

En Belgique, il croise sur sa route Tabby, une jeune fille débordante d’énergie et très bavarde qui lui pose un tas de questions, parfois très intimes. Mais Eppo n'a pas envie de parler. Il veut juste oublier.

 

"Parfois, parler, ça fait tellement mal qu'on préfère se taire. Et même quand on se tait, on en crève."

 

De son côté, Tabby cache aussi ses secrets... Et certains sujets semblent tabous.

 

Pourquoi ces deux-là fuient-ils ? Ou plutôt, qui ?

Mon avis :

The Velvet Underground ♪ Sunday morning ♫
The Velvet Underground ♪ Sunday morning ♫

Le road-trip poignant de deux adolescents paumés.

On démarre l'histoire en sachant peu de choses sur Eppo et Tabby. Juste que le hasard a mis ces deux-là sur la même route. Elle au volant de sa vieille Golf, conduisant comme une folle, la cigarette à la bouche. Lui enfermé dans son mutisme ("Tu as arrêté de parler, tu as arrêté de vivre"), se battant contre des souvenirs si douloureux, une tristesse si tangible, qu'elle le rend littéralement malade. Mais qu'a-t-il bien pu se passer pour en arriver là ?

 

C'est le point de vue d'Eppo qui est adopté, et le récit principal est entrecoupé de bribes de souvenirs à travers lesquels on fait la connaissance de Maarten, son "frère du week-end". Fils d'une droguée, Maarten est interne en semaine et navigue de famille d'accueil en famille d'accueil le week-end - la dernière en date étant celle d'Eppo. Celui-ci raconte comment il s'est peu à peu lié d'amitié avec cet adolescent meurtri qui "donnait à voir le comportement qu'on attendait de lui", redoublant d'effronterie le jour pour mieux dissimuler sa peine la nuit. Jusqu'au jour où un drame surgit.

 

Le personnage de Tabby se dévoile aussi progressivement, mais seulement au fil des conversations, ce qui fait que le lecteur se sent moins proche d'elle. Tabby fuit un certain Rob et, si l'on devine rapidement pourquoi, la révélation ne sera lâchée qu'en deuxième partie du roman. Entre Tabby et Eppo, la cohabitation n'est pas facile, mais sans l'autre, c'est franchement insupportable : "Tout ce qui me rendait fou quand j'étais à la maison m'avait suivi sur la route". Alors les deux jeunes gens s'apprivoisent ("Je n'arrivais pas à croire que cela ne faisait que trois jours que je la connaissais"), se soutiennent, avancent ensemble ("Toi et moi, on fait la paire") même si leur destination reste inconnue et qu'ils semblent incapables de se projeter dans l'avenir. Déjà supporter la douleur, ensuite on verra. Jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus "faire comme si tout allait parfaitement bien".

 

Le texte est émotionnellement intense, le personnage de Eppo touchant et le récit, sans fioritures et autres descriptions parallèles, concentré sur les événements essentiels. On ressort de cette lecture comme en apnée : avec le besoin de reprendre un souffle de légèreté, mais aussi le sentiment d'avoir traversé un moment puissant. Et le soulagement d'avoir, comme Eppo, pu aspirer finalement une bouffée d'espoir.

Patricia Deschamps, juin 2016

Voir aussi "Quelqu'un qu'on aime" de Séverine Vidal
Voir aussi "Quelqu'un qu'on aime" de Séverine Vidal

 

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