Le groupe

roman de Jean-Philippe BLONDEL

Une vie sans prise de risque, c'est une mort à petit feu, non ?

Actes sud junior, 2017, 125 p. (Romans ado)
Actes sud junior, 2017, 125 p. (Romans ado)

François Roussel, professeur d’anglais et écrivain, se laisse convaincre de monter un atelier d’écriture pour les terminales de son lycée. Il se demande tout de même qui cela pourrait bien intéresser.

 

Et puis les premiers inscrits arrivent : Léo, Émeline, Nina… et même Boris, le rigolo de la terminale ES. Ils seront douze au total, dix élèves et deux profs, réunis une heure par semaine dans un monde clos pour écrire.

 

Pour tous, c’est un grand saut dans l’inconnu. Les barrières tombent, ils seront tous au même niveau, à découvert. Un groupe à part. Avec des révélations, des révoltes, des secrets qu’on dévoile. Des chemins qui se dessinent…

 

Texte : résumé éditeur

Mon avis :

"Je ne pourrais pas dire si le texte était bon ou pas (...) mais j'étais pris dedans" : je ne sais pas si Jean-Philippe Blondel fait preuve de lucidité ou pratique l'art de la mise en abyme, mais il me retire les mots de la bouche ! J'ai en effet souvent ce sentiment quand je lis ses livres, de n'y trouver rien de vraiment captivant et pourtant l'envie de lire jusqu'au bout. C'est comme s'il écrivait pour lui sans se soucier de la réception de son texte. J'ai d'ailleurs trouvé que ce roman avait de vagues échos autobiographiques (Roussel ressemble fort à Blondel).

 

Cette histoire, c'est avant tout celle d'adolescents dont les relations vont évoluer grâce à l'écriture. Chacun arrive avec des a priori sur les autres ou tout au moins en les ayant "fichés" (l'intello, la contestataire, l'introverti, la grande gueule, etc.) Cet atelier, qui les "soumet aux règles du groupe : rédiger des textes en un temps limité en suivant une consigne et en se pliant à des contraintes", les amène progressivement à se libérer de leurs idées reçus sur les autres... et sur eux-mêmes. Car "plus on écrit, moins on a peur de cette façon de s'exprimer", plus on se dévoile : "J'en ai tellement assez d'être moi, parfois", avoue Maxime. Le jeu vaut aussi pour les deux enseignants, pour qui l'atelier représente également "une mise en danger" : "les adultes se mêlent à nous", réalisant les exercices d'écriture dans des conditions identiques, créant ainsi des liens avec les élèves. Ce qui se déroule dans cette salle chaque semaine relève d'un travail sur soi qui rend vulnérable, mais qui reste au sein du groupe. Ces "intimités dévoilées" - vraies ou fausses - racontées dans les histoires, en disent long sur leur auteur. Se laissant aller à des "vagues d'émotion", "on s'observe, on se comprend". Tandis que les adultes retrouvent leur jeunesse ("Je laisse derrière moi la peau de ma mue adolescente", "Moi. Au même âge. Une identification."), les jeunes mûrissent, se projettent dans l'avenir.

Pour autant les relations restent trop superficielles pour que le lecteur adhère aux personnalités en présence. Le groupe reste un groupe jusqu'au bout, sans que l'on identifie vraiment l'un ou l'autre de ses membres, et l'on ne s'attache à personne. Il faut dire qu'on ne sait jamais vraiment dans les récits (c'est un roman à plusieurs voix) si le narrateur se livre ou affabule... Dès lors, comment cerner les individus ?

 

La réflexion qui m'a semblé la plus intéressante est celle autour de l'écriture et des différentes façons de l'appréhender : il y a ceux qui créent de toutes pièces, et ceux qui au contraire "reste moi et je deviens un personnage". Il y a les rois de la circonvolution (par peur de se livrer ?), ceux qui cherchent à "s'extraire" du quotidien, de la réalité. Ceux qui assument, et ceux qui refusent de se lire à voix haute (qui doutent ?). Dans tous les cas, "c'est à ça que sert l'écriture. A trouver ses frères d'armes". Mais une fois encore, ces réflexions ne sont qu'évoquées dans le roman, et on reste un peu sur sa faim. Les amateurs (comme moi) auront envie de réaliser eux aussi les exercices donnés, mais "les consignes d'une simplicité douteuse" ne sont guère stimulantes. Si le but de l'auteur, comme celui de l'enseignant meneur, était de "passer le flambeau", il faudrait y mettre davantage de motivation, de passion, de vie.

Patricia Deschamps, mai 2017

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