Le garçon qui savait tout

roman de Loïc LE BORGNE

Bienvenue au vingt-sixième siècle !

Syros, 2015, 133 p. (Mini Syros +)
Syros, 2015, 133 p. (Mini Syros +)

Un jour qu'il va à la pêche, Malo rencontre un étrange garçon venu du futur, Jehan.


Dans le monde de Jehan, chaque chose, chaque être vivant est truffé de capteurs minuscules (les nanotraceurs) reliés au cerveau grâce à des connex. Ainsi, non seulement tout le monde est connecté à une multitude de données, mais chacun peut se connecter avec n'importe qui, n'importe quand.


Si certains adhèrent parfaitement au système, Jehan ne supporte plus que l'on puisse constamment savoir ce qu'il fait et pense. Et surtout il semble persuadé que Malo peut l'aider ! Celui-ci se laisse donc persuader de traverser la faille temporelle pour découvrir le monde du 26e siècle...

Mon avis :

Un court roman d'anticipation qui reprend, d'une manière complètement différente, le thème de réflexion d'un autre livre de l'auteur, Il.

Tout savoir sur tout, tout le temps, est clairement la tendance des accros du portable, et une dérive tout à fait crédible des réseaux sociaux. D'ailleurs la copine de Malo, Maï, est littéralement fascinée par ce que lui raconte Jehan : "C'est comme si les portables étaient carrément dans la tête des gens, c'est génial !". Sauf que devoir s'en référer à des capteurs pour savoir si l'eau est chaude ou froide, et même pour déterminer si l'on a soif ou pas, c'est un peu désolant... Désolant aussi de lire que dans 500 ans l'école n'existera plus parce que "chacun peut fouiner à tout instant dans les données pour obtenir n'importe quelle information" ! Est-ce à dire que l'école se réduit à un vecteur de connaissances ? Et que la recherche d'informations est innée chez les enfants ?! Jolie pensée à méditer !

Surtout que le pire pour Jehan, c'est justement la sur-information, la sollicitation permanente de l'esprit par une multitude de données qui saturent le cerveau. Il faut constamment lire, trier, assimiler, utiliser des flux de données - c'est à devenir fou ! "On est prisonniers des données", se désespère-t-il... Comme on le comprend ! Surtout en tant que documentaliste, amenée à effectuer ce genre de travail au quotidien... Sauf que nous, nous avons (encore) le choix de nous déconnecter.

 

Car c'est bien cela que revendiquent les résistants comme Jehan et son ami Armand le hacker : le droit à la déconnexion. Ils sont conscients qu'il est trop tard pour changer leur monde et que ce sont les erreurs commises à notre époque à nous qu'il faut éviter... D'autant plus que la planète subit l'inévitable réchauffement climatique annoncé depuis des années : la forêt chère à Malo est devenue jungle... ce qui nous vaut au passage plusieurs références au célèbre roman de Kipling. La protection de l'environnement est également un thème de prédilection chez Loïc Le Borgne. Si "les technologies peuvent rendre le monde meilleur", toute évolution doit se faire de manière raisonnée... sous peine de nous auto-détruire ! La solution finale apportée est d'ailleurs en ce sens très pertinente : il ne s'agit pas de rejeter en bloc l'innovation, mais d'œuvrer pour le bien de l'humanité dans le respect de la nature.

Et puis quel dommage de pouvoir lire dans le cœur et les pensées des autres en toute transparence ! Tout est analysé, décortiqué, on se sent à la fois voyeur et mis à nu... Plus personne n'a de secret pour l'autre ! Or, si l'on supprimait le mystère et la poésie propres aux hommes, "le monde serait un peu moins magique", non ?

 

Patricia Deschamps, novembre 2015



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