Le garçon qui dormait sous la neige

de Henning MANKELL

L'hiver s'immisce toujours sans bruit, quand on s'y attend le moins.

Seuil, 2013, 260 p. ISBN 9782021065121
Seuil, 2013, 260 p. ISBN 9782021065121

Un petit village du nord de la Suède, dans les années cinquante. Les premières neiges tombent déjà en ce mois de novembre...

Pour mieux affronter l'hiver et préparer son quatorzième anniversaire, Joël prend trois résolutions: s'endurcir afin de vivre jusqu'à cent ans; gagner assez d'argent pour permettre à son père, ancien marin, de retourner vivre au bord de la mer; et voir une femme nue pour la première fois.

 

Mais Joël a beau avoir une imagination débordante, les rêves d'enfant, un jour ou l'autre, se heurtent à la réalité...

(texte éditeur)

Mon avis :

"J'ai l'intention de devenir un roi du rock. Comme Elvis." (p135)
"J'ai l'intention de devenir un roi du rock. Comme Elvis." (p135)

Un roman initiatique au pays du froid, autour d'un garçon attendrissant.

Plus tout à fait un enfant mais pas encore un adulte, Joël s'interroge et se cherche. "Une partie de lui a changé", "ce n'est plus aussi facile de s'évader dans ses rêves", surtout avec "toutes ces pensées qui tourbillonnent dans sa tête." Il faut dire que sa situation familiale n'est pas facile : sa mère les a abandonnés son père et lui voilà des années et depuis, Samuel ne s'en ait jamais vraiment remis. Surmené par son travail de bûcheron, il trouve bien trop souvent refuge dans l'alcool... Du coup, Joël qui, "aussi loin qu'il se souvienne, a toujours été sa propre mère", à s'occuper des courses et des repas, à se débrouiller seul, doit maintenant "être le père de son propre père"... Car plus le temps passe, plus il doit, le soir, l'arracher à ses copains de boisson.

 

Si jusque là l'adolescent a toujours réussi à entretenir l'espoir d'une vie meilleure par ses rêves d'évasion, il commence à comprendre que son père, lui, y a renoncé : "Grandir, c'est se poser des questions, mais devenir adulte, c'est oublier peu à peu toutes les questions qu'on se posait quand on était enfant.". Ainsi, "Samuel est incapable de voyager dans la réalité", préférant s'enfoncer dans un quotidien sordide. Or Joël a aussi ses préoccupations d'adolescent, "cette sensation étrange qu'il n'arrive pas à comprendre" quand il voit la jolie vendeuse de l'épicerie, ou au contraire son dégoût nouveau pour son amie Gertrude, sans compter ses pensées "si difficiles à maîtriser" qui lui donnent le sentiment, "à certains moments, de comprendre les choses de la vie" et à d'autres au contraire, l'angoisse de ne rien savoir. Joël est en effet très réfléchi pour son âge, trop peut-être, il se sent incompris des autres (camarades comme adultes) et peu à peu ce mélange de frustration, de tristesse et de lassitude de ne plus pouvoir "se permettre d'être un enfant" le pousse à des accès de colère et de violence. Il voudrait "que son père paie pour ce qu'il est en train de lui faire vivre", qu'on puisse le jeter "dans la poubelle des adultes incapables".

 

Pour autant l'ambiance n'est pas pesante, mais plutôt réflexive à la manière d'un conte philosophique. On apprécie l'atmosphère calme et enneigée de ce petit village suédois. On suit avec attendrissement et sourire ce garçon qui évolue sous nos yeux, comprenant au contact de ses amis qu'il n'est pas aussi seul qu'il le pensait : "Il est aussi important d'avoir des secrets que de les partager". Qui tente de pérenniser ses résolutions d'enfant dans un monde qui le pousse trop tôt à devenir adulte. Mais pourquoi devrait-on renoncer à ce qui nous portait plus jeune ? S'il semble improbable que Joël devienne le futur "Elvis des Neiges" (!), rien ne l'empêche, un jour, de prendre la mer avec son père... parce que "la vie sera toujours comme ça. Sur un fil." 

Patricia Deschamps, janvier 2018

thriller adulte
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