La Belle et la Bête

Madame LEPRINCE DE BEAUMONT (1711-1780)

Jeanne-Marie Leprince de Beaumont naît à Rouen le 26 avril 1711. En 1725, elle entre chez les Sœurs d'Ernemont qui formaient les enseignantes pour ce que l'on appelait à l'époque "les petites écoles". Elle enseignera dix ans dans cette institution rouennaise.

 

Puis elle décide de quitter sa Normandie natale et, munie d'une lettre de recommandation du couvent, elle rejoint la cour de Lorraine à Lunéville où elle devient la gouvernante de la fille aînée de la duchesse de Lorraine. Elle se marie en 1743 mais cette union sera malheureuse et rapidement déclarée nulle en raison de la vie dissolue de son époux, Grimard de Beaumont. Obligée de subvenir à ses besoins après la séparation, elle quitte la France et s'installe à Londres en 1748.

 

Elle gagne sa vie en tant que gouvernante dans des familles aristocratiques anglaises où ses talents de pédagogue font merveille. Pour ses élèves, elle se met à rechercher des textes français pouvant servir de support à ses jeunes élèves pour leur apprentissage. Elle réunit alors, en 1750, les contes qu'elle a publiés en un premier recueil, Le Magasin des enfants, un manuel d'instruction très novateur qui connaît un succès immédiat en librairie. Très vite, l'édition anglaise est suivie de nombreuses éditions étrangères. L'ouvrage servira à de nombreuses gouvernantes.

 

En 1757, Madame Leprince de Beaumont se remarie avec Thomas Pichon, un Anglais naturalisé, originaire comme elle de Normandie. En 1764, elle décide de rentrer en France et s'installe en Savoie. Elle a acquis une réelle notoriété. Animée d'une véritable vocation pédagogique, elle continue à publier des ouvrages qui font référence, comme L'instruction pour les jeunes gens qui entrent dans le monde et s'y marient (1766). Elle s'éteint à soixante-dix ans passés en 1780. Nul ne sait où son corps repose.

 

Source : La Belle et la Bête et autres contes, Flammarion (Étonnants classiques), 1999

 

Ce n'est ni la beauté ni l'esprit d'un mari qui rendent une femme contente : c'est la bonté du caractère, la vertu, la complaisance.

Flammarion, 1999, 107 p. (Etonnants classiques)
Flammarion, 1999, 107 p. (Etonnants classiques)

Il y avait une fois un marchand qui avait six enfants, trois garçons et trois filles. Celles-ci étaient très belles, surtout la cadette que l'on surnommait "la Belle".

 

Un jour qu'il revenait d'un voyage pour son commerce, le marchand fit escale dans un château isolé et désert. Sans qu'il n'y croise personne, il reçut le gîte et le couvert. Le lendemain, au moment de partir, le marchand cueillit une rose pour l'offrir à la Belle comme elle le lui avait demandé.

 

L'acte rendit furieux le maître du château qui se présenta enfin à lui, sous les traits d'une horrible Bête. Il condamna le marchand à mourir, ou bien à lui offrir l'une de ses filles.

 

De retour chez lui, le marchand conta l'horrible mésaventure à ses enfants. La Belle se proposa aussitôt de se rendre à la Bête...

 

Mon avis :

C'est en lisant l'adaptation de Jennifer Donnelly La Belle et la Bête : histoire éternelle à l'occasion de la sortie du film Disney que j'ai eu envie de relire le texte originel. Qui ne l'est pas tout à fait d'ailleurs, puisque Madame Leprince de Beaumont aurait emprunté l'histoire du roman de Madame de Villeneuve, La jeune Américaine ou les Contes marins (1740), lui-même inspiré d'Amour et Psyché de l'auteur latin Apulé (paru dans le recueil L'Âne d'or ou les Métamorphoses). C'est dire combien le conte a traversé les siècles !

 

Paru dans un ouvrage d'éducation à destination de jeunes Anglaises aristocratiques, La Belle et la Bête, ainsi que les autres contes du recueil, sert de support pédagogique à Madame Leprince de Beaumont qui est alors gouvernante. Le côté moralisateur y est donc très prononcé. Ainsi le contraste est grand entre la Belle et ses sœurs : les deux aînées apparaissent superficielles et mauvaises (comme dans Cendrillon de Charles Perrault) : "elles avaient beaucoup d'orgueil" et "personne ne les aimait à cause de leur fierté". Elles seront d'ailleurs "punies" à la fin du conte. Par opposition, la Belle est "bonne fille, douce et honnête" et "employait la plus grande partie de son temps à lire de bons livres". Quand son père, dont elle est très proche, perd sa fortune, elle n'hésite pas à prendre en charge les tâches ménagères. Bref c'est une jeune fille parfaite, et pour les lectrices le message est clair : prenez l'exemple ! C'est un peu caricatural (et agaçant) mais efficace !

 

Deuxième leçon de morale : ne vous fiez pas aux apparences. Derrière son physique horrible, la Bête cache un grand cœur. Son comportement envers la Belle est irréprochable, il est toujours attentionné et prévenant - même si pour le coup, on se demande s'il en aurait été de même face à un laideron... De même, il est bien arrangeant que le vilain monstre soit en réalité un beau prince ! Cependant c'est le principe du conte que de faire passer des valeurs à travers une histoire aux traits un peu excessifs : "la Belle vécut avec lui fort longtemps et dans un bonheur parfait, parce qu'il était fondé sur la vertu".

Patricia Deschamps, mars 2017

version manga
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l'histoire vraie qui a inspirée le conte
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