L'ombre du Golem

d'Eliette ABECASSIS, illustré par Benjamin LACOMBE

- Qui parle de miracle ? Seules la réflexion et la prière peuvent infléchir le cours de la vie et transformer le monde en changeant les hommes.

Flammarion, 2017, 176 p.
Flammarion, 2017, 176 p.

Prague, 1552. Depuis que le moine Thadée, conseiller de l'empereur Rodolphe II, a décidé de faire la guerre aux alchimistes, la famille de Zelmira vit dans la peur : le père de Zelmira est alchimiste et risque à tout moment d'être arrêté et emprisonné. Le moine Thadée poursuit aussi de sa haine la communauté juive, qu'il veut exterminer.

 

Une nuit d'hiver, Zelmira assiste de loin et par hasard à une cérémonie au cours de laquelle elle voit le grand rabbin des juifs, le Maharal, accomplir un prodige : il donne naissance à un Golem chargé de protéger son peuple. Dès lors, Zelmira, fascinée par cet homme aux pouvoirs surnaturels, l'observe en cachette... Parviendra-t-il à sauver de la mort les Juifs de Prague ?

 

Mon avis :

feuilleter le début de l'album
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Un album à l'ambiance captivante et en même temps vaguement inquiétante.

Eliette Abecassis fait renaître la légende du Golem dans le ghetto de Prague entre histoire et magie. Nous sommes dans l'univers des alchimistes, avec leurs potions à base de "coulis de serpent, racines de mandragore, bave de grenouille", dans leurs cabinets de curiosités où se côtoient astronomie et astrologie, science et religion. L'antisémitisme est représenté par le moine Thadée, sinistre personnage "aux grands yeux caverneux enfoncés dans un visage spectral, vêtu d'une longue robe noire". Face à lui le Maharal, rabbin sage et puissant qu'admire la petite Zelmira. Tout est perçu du point de vue de cette fillette au physique de "doll" si caractéristique de Benjamin Lacombe (tête proéminente et grands yeux ronds), comme sur la magnifique double page 84-85 (image ci-dessus).

 

Zelmira observe les adultes en cachette, la plupart des illustrations offrent donc une vision panoramique légèrement bombée ("J'ai vu, à travers les minces meurtrières (...)"), en contre-plongée, avec un premier plan flouté du plus bel effet. Certaines scènes sont en noir et blanc et malgré tout très lumineuses. Ainsi, dans le texte comme dans le dessin, l'atmosphère est très fantasmagorique, même si le Golem créé par le Maharal (à la manière de Dieu créant l'homme "avec la boue du sol"), est également "le fruit de connaissances dans le domaine de la physique, de la chimie, de l'alchimie et de l'optique". Et c'est vrai que cette "machine animée" rappelle fort la créature de Frankenstein : "Il était impressionnant de grandeur et de force", parfois "chien docile", parfois "incontrôlable". Il n'a "pas de conscience", ne peut pas parler, et cela touche la fillette qui le sent plus vulnérable qu'il n'y paraît. "Qu'est-ce qu'il est ?" en effet ? Car cet être bâti pour permettre au peuple juif de "vivre en paix", une fois "opéré et rendu intelligent", cherche à s'émanciper de son créateur et de sa mission première! Belle réflexion  sur "les machines qui entrent dans nos vies pour finir par prendre possession de nous et nous dominer"... et auxquelles on n'est pourtant pas prêts à renoncer.

Patricia Deschamps, avril 2018

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