L'ami retrouvé

roman de Fred UHLMAN

Belin/Gallimard, 2017, 159p. (ClassicoCollège)
Belin/Gallimard, 2017, 159p. (ClassicoCollège)

Allemagne, années 1930. Hans et Conrad sont amis : ils partagent passions, réflexions, espoirs. Le premier est le fils d'un médecin juif, le second est le membre d'une illustre famille allemande. La montée du nazisme va bouleverser le destin des deux adolescents.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Une histoire d'amitié brisée par le nazisme.

Hans, 16 ans, le narrateur, est subjugué par l'arrivée dans sa classe de lycée de Conrad, descendant d'une prestigieuse famille allemande. Comme lui, Conrad est un solitaire et voue une passion à la poésie et la littérature. Leurs premiers pas ressemblent à ceux de "deux jeunes amoureux, encore nerveux, encore intimidés": comment attirer l'attention de ce jeune comte distingué quand on est simple fils de médecin? Ensuite, c'est une belle amitié forte qui lie les deux camarades ("J'aurais volontiers donné ma vie").

 

Enfermé dans cette bulle d'amitié, Hans ne se préoccupe guère "des rumeurs de perturbation politique" qui restent en arrière-plan pendant toute la première moitié du récit. Il ne se considère de toute façon pas comme juif, ayant "grandi parmi les Juifs et les chrétiens". Dans sa famille, on est "d'origine juive" mais pas pratiquant (à part "une fois l'an, le jour du Grand Pardon"). L'incendie chez ses voisins, qui a coûté la vie à leurs trois enfants, l'a conforté dans l'idée "qu'il n'y avait pas de Dieu": comme son père, il est athée. Pour eux, "être juif n'avait fondamentalement pas plus d'importance qu'être né avec des cheveux bruns et non avec des cheveux roux. Nous étions souabes [originaires du sud de l'Allemagne] avant toute chose, puis allemands, et puis juifs".

Le père de Hans minimise d'ailleurs l'arrivée de Hitler au pouvoir ("Mes compatriotes ne se laisseront pas prendre à cette foutaise"). Ayant combattu pendant la Première Guerre mondiale, "il ne doutait pas d'être allemand" et se montre "prêt à se battre de nouveau pour son pays".

 

Le doute s'installe lorsque Hans réalise que Conrad ne l'invite chez lui que lorsque ses parents sont absents ("Ce n'était pas une coïncidence"). Quelle n'est pas sa surprise d'y découvrir une photo de Hitler... A l'Opéra, la présence des Hohenfels est très remarquée mais ce soir-là, Conrad ignore complètement son ami. Une lettre fait comprendre à Hans que ce n'est pas par honte mais pour le protéger ("Ma mère hait les Juifs"). Dès lors, "il ne m'invita plus chez lui" et c'est "le commencement de la fin de notre amitié et de notre enfance".

 

Au lycée, c'est le commencement de l'animosité antisémite et là encore, Hans ne reçoit aucun soutien de Conrad. Ses parents finiront par l'envoyer en Amérique et il passera le reste de sa vie à chercher à oublier cette période de sa vie ("Je ne veux plus entendre parler de l'Allemagne").

C'est quand il apprendra que Conrad a été exécuté pour avoir été "impliqué dans le complot contre Hitler" que Hans prendra conscience de la force d'attachement de Conrad qui, malgré les apparences, aura été un ami jusqu'au bout, jusqu'à sacrifier cette amitié pour sauver la vie de Hans, au prix de la sienne. Une forme de consolation qui explique le titre: tardivement mais assurément, Conrad est l'ami (re)trouvé.

Patricia Deschamps, mai 2025


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