Je suis un homme : Martin Luther King

roman d'Eric SIMARD

Le réveil des Noirs avait sonné.

Oskar, 2011, 103 p. (Histoire & société)
Oskar, 2011, 103 p. (Histoire & société)

Mike appartient au Ku Klux Klan, comme ses parents. Humilier, insulter ou même brutaliser les Noirs fait partie de son quotidien. Mais lorsque Mike entend pour la première fois Martin Luther King parler, quelque chose commence à changer en lui. Son amour pour la belle Kate révoltée par le racisme des États du Sud, sa propre répugnance pour la violence qui l’entoure et à laquelle il lui arrive de participer, le choc de la guerre du Vietnam, vont peu à peu le transformer profondément.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

"Je suis un homme. Un homme à qui on doit le respect." (p.60)
"Je suis un homme. Un homme à qui on doit le respect." (p.60)

L'originalité de ce roman, c'est qu'il est raconté du point de vue d'un membre du Ku Klux Klan ("Tous ceux de ma famille haïssaient les Noirs et j'avais fini par faire comme eux"). C'est un récit rétrospectif (Mike a 77 ans au moment où il s'exprime) qui s'étend de 1955 lorsqu'éclate l'affaire Rosa Parks jusqu'à la mort de Martin Luther King, assassiné en 1968. Mike raconte tous les actes de violence envers les Noirs auxquels il a participé, et ce point de vue intérieur rend les événements encore plus choquants.

 

Mais le récit de Mike a un autre objectif: montrer que l'on peut changer d'opinion avec le temps, tout comme lui au fil des années et des circonstances. Plusieurs éléments ont contribué à revoir son avis sur les Noirs, à commencer par la personnalité non violente de Martin Luther King, jeune homme de 26 ans quand il le découvre, qui revendique des droits pour les siens uniquement à travers des manifestations et des boycotts ("Les Noirs, sans armes, obtenaient ce qu'ils voulaient"). Entre le Ku Klux Klan et MLK, "la bataille est rude" ("Ça va être dur de l'arrêter"). Le pasteur noir, qui lutte dans les Etats du Sud ne respectant pas les lois votées par le gouvernement, a le soutien du président Kennedy ("Un homme prêt à modifier les lois en faveur des Noirs"), puis celui du président Johnson qui fera voter le "Civil Rights Act" et le "Voting Rights Act". Étape par étape, Martin Luther King gagne des batailles dans son combat pour les droits des Noirs ("Il a compris qu'il était plus efficace de s'attaquer aux différents aspects de la ségrégation les uns après les autres, plutôt que d'exiger l'arrêt de la ségrégation dans sa globalité"), ce qui force le respect de Mike, alors que les violences orchestrées par le KKK lui semblent de plus en plus insupportables (ils s'attaquent aux églises, s'en prennent aux Blancs qui soutiennent les Noirs, à la famille de MLK).

 

Le deuxième élément déterminant dans la vie de Mike, c'est Kate, dont il est amoureux. Leur relation durera deux ans, jusqu'à ce que la jeune femme ne supporte plus les actes racistes odieux de Mike et sa famille ("Ça allait mettre en péril notre relation").

Et puis il y a la guerre du Vietnam, où Mike découvre "des Noirs plus courageux, plus fiables, plus intelligents que des Blancs". Lorsqu'il rentre aux États-Unis en 1967, "le nouveau Mike est né", plus tolérant.

 

Mais ce que j'ai trouvé le plus étonnant et le plus pertinent dans ce roman, c'est lorsque, par une ironie du sort, Mike se retrouve à la place de ceux qu'il a toujours méprisés: devenu éboueur (le retour à la vie normale, après le Vietnam, est compliqué), il est rabaissé par les autres, se sent démuni (dans tous les sens du terme), et le voilà amené à manifester pour défendre ses droits ("T'en as pas marre d'être traité comme un sous-homme?"). C'est là qu'il prend conscience de la façon injuste dont il a (mal)traité les Noirs, dont les revendications étaient parfaitement justifiées: "King était un type bien. Il se battait pour la justice."

 

Patricia Deschamps, mars 2022


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