En attendant Bojangles

roman d'Olivier BOURDEAUT

Voilà comment, le temps d'un cocktail et d'une danse, ta mère m'a rendu fou d'elle.

Finitude, 2016, 160 p.
Finitude, 2016, 160 p.

Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur «Mr Bojangles» de Nina Simone. Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis.

 

Celle qui donne le ton, qui mène le bal, c’est la mère, feu follet imprévisible et extravagant. C’est elle qui a adopté le quatrième membre de la famille, Mlle Superfétatoire, un grand oiseau exotique qui déambule dans l’appartement. C’est elle qui n’a de cesse de les entraîner dans un tourbillon de poésie et de chimères.

 

Un jour, pourtant, elle va trop loin. Et père et fils feront tout pour éviter l’inéluctable, pour que la fête continue, coûte que coûte.

(texte éditeur)

Mon avis :

"Cette musique était comme Maman, triste et gaie à la fois."
"Cette musique était comme Maman, triste et gaie à la fois."

Voilà une histoire dont on ne sait pas si l'on doit en rire ou pleurer...

C'est tout d'abord une ode à la fantaisie au quotidien, à cette petite touche d'extravagance qui nous manque trop souvent dans notre routine : "Elle faisait toujours mine d'ignorer la réalité d'une façon charmante", tandis que lui a l'art du mensonge ("Plus c'était gros, plus ça passait"). Ainsi "quand la réalité est banale et triste, inventez-moi une belle histoire, ce serait dommage de nous en priver". Vu de l'extérieur, le trio donne l'impression d'être "une famille de cinglés", sans compter la présence de Mlle Superfétatoire, "oiseau de salon qui mangeait des boîtes de thon, écoutait de la musique classique, mettait des colliers et participait aux cocktails" !.. Mais pour le jeune narrateur, "elle était comme ça ma mère et c'était bien ainsi", d'ailleurs "il lui vouait une admiration sans borne" car "elle avait réussi à donner un sens à ma vie en la transformant en un bordel perpétuel". Alors "ils rivalisaient d'audace et d'originalité pour se faire rire" et "je ne regrettais rien, je ne pouvais pas regretter cette douce marginalité, ces pieds de nez perpétuels à la réalité, ces bras d'honneur aux conventions, aux horloges, aux saisons, ces langues tirées au qu'en-dira-t-on."

 

Jusqu'au jour où la maladie se réveille, certainement à cause du choc émotionnel provoqué par l'inspecteur des impôts. Le "nouvel état de maman est terrible" - "Elle perd la tête !" - mais elle va révéler la puissance de l'amour que lui portent ses deux "hommes" : "De toute façon, j'ai toujours été un peu folle alors un peu plus, un peu moins, ça ne va pas changer l'amour que vous avez pour moi, n'est-ce pas ?". "Les envies, les concours, les orgies, les fantaisies" ont toujours libre cours cependant "toute cette tristesse cachée derrière son euphorie" éclate dans des crises de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes. "Maman était une malade mentale" ("hystérie, bipolarité, schizophrénie" - d'ailleurs son mari lui attribue chaque jour un nouveau prénom) et "le compte à rebours" a commencé... Heureusement, "même avec les médicaments, Maman détestait toujours autant la banalité" alors père et fils continuent de mettre en oeuvre toutes ses envies, ses idées les plus folles afin de profiter pleinement d'elle quand son état le permet ("comme toujours, il savait faire de beaux mensonges par amour"). Malgré tout la situation est éprouvante : "Il m'emmenait souvent au cinéma, comme ça, dans le noir, il pouvait pleurer sans que je le vois.", "mais avec le déménagement, il craqua deux fois en se mettant à pleurer en plein jour. C'est vraiment différent de pleurer en plein jour, c'est un autre niveau de tristesse"...

 

On ressort de ce roman rempli de sentiments contradictoires mêlés. Il est à la fois déjanté et profondément triste. Hymne au plaisir et à la légèreté. Histoire d'un amour inconditionnel et absolu. Carpe diem face au temps qui détruit. C'est un roman qui se déroule sous nos yeux comme deux danseurs tourbillonnant, nous laissant vaguement sonné. Bref "c'était vraiment n'importe quoi, parce que la vie c'est souvent comme ça, et c'est très bien ainsi".

Patricia Deschamps, mars 2018

La bande dessinée d'Ingrid CHABBERT et Carole MAUREL


Mon avis (★★★★★) : J'ai adoré cette adaptation ! Le graphisme et surtout les couleurs sont magnifiques, en parfaite adéquation avec la fantaisie du couple. Si la personnalité fantasque de la mère reste au cœur de l'intrigue, le personnage du père écrivain m'a semblé mieux mis en avant que dans le roman, avec son imagination débordante qui n'a rien à envier aux divagations de sa femme. Et surtout on voit bien combien c'est un homme "formidable et généreux qui avait tout fait pour que leur vie se passe au mieux"... L'album est rempli de leur amour, de leur tendresse et de leur complicité. C'est doux et fort à la fois, avec une ambiance drôle et vivante - sur fond de notes de musique et des paroles de "Mr Bojangles" -, parfois brutalement interrompue par les fameuses crises. Celles-ci sont judicieusement exprimées à travers de fines hachures noires dans les vignettes, comme une pluie tombant sur leur vie, et par une typographie énorme exprimant la puissance des hurlements. Le résultat est vraiment réussi, j'ai même davantage apprécié cette bande dessinée que le roman, ou tout au moins, cette lecture complémentaire m'en a fait davantage apprécier le contenu.

Patricia Deschamps, mars 2018

L'avis d'Anaïs, 12 ans : ★★★★



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