Elles étaient juives et résistantes

documentaire de Chantal DOSSIN

Sutton, 2018, 127 p.
Sutton, 2018, 127 p.

Pendant de longues années, le souvenir de nombreuses femmes résistantes est resté enfermé dans des boîtes d'archives. Leur nom figure rarement dans les livres d'histoire et pourtant, elles ont pris des risques fous et manifestèrent souvent très tôt la même volonté de désobéir. Les résistantes juives en sont la parfaite illustration, le fait qu'elles fussent juives ayant fait oublier qu'elles avaient été résistantes. Pourquoi ces femmes ont-elles choisi de résister ? Comment sont-elles entrées en contact avec le milieu clandestin de la Résistance ? 

 

Arrêtées pour ce qu'elles faisaient puis déportées pour ce qu'elles étaient, elles ont connu une double peine : la prison d'abord avec leurs camarades résistantes, puis le « centre de mise à mort » d'Auschwitz-Birkenau, où elles furent emmenées le 30 juin 1944 en même temps que les dernières familles juives arrêtées en France. Sur les neuf femmes exemplaires évoquées ici, seules quatre ont survécu.

Mon avis :

Découvrez le combat clandestin de neuf femmes juives déportées dans le convoi 76, l'avant-dernier convoi Drancy-Auschwitz du 30 juin 1944, par des nazis qui, "à la veille de leur défaite, ratissent partout, y compris dans les prisons pour remplir les derniers trains de déportation".

Tout d'abord je salue l'énorme travail de recherche de cette enseignante d'histoire rouennaise qui a dû compulser bon nombre de documents d'archives pour tenter de reconstituer le parcours de ces résistantes. Certains d'entre eux, ainsi que des photographies, sont reproduits dans cet ouvrage, ce qui donne corps au propos. La plupart de ces femmes ne sont pas rentrées d'Auschwitz et "leur témoignage manque cruellement". Mais chaque fois que cela a été possible, l'auteur s'est déplacée pour rencontrer les descendants, et la masse d'informations qu'elle a réunies pendant quatre ans est impressionnante.

 

Cet ouvrage m'a beaucoup appris sur les réseaux de résistance en France. Le réseau Plutus, près de Lyon, fabriquait des faux papiers. Le réseau Andalousie à Toulouse organisait des évasions vers l'Espagne via les Pyrénées. Le réseau Garel se mettait en relation avec des familles, des couvents et des internats pour "accueillir des enfants dont on a au préalable changé l'identité". Georges et Itta Lewitz dirigeaient une école pour "adolescence meurtrie". Eva Cahen travaillait bénévolement dans une association d'entraide où "elle distribuait des colis de vivres aux Israélites hébergés". Ainsi les Juifs n'ont pas vécu passivement la situation, et partout il est question d'une belle solidarité.

 

Les femmes présentées étaient de tous âges (Germaine Bach n'avait que 16 ans!) et de toutes origines (sociales et géographiques), installées en France depuis plusieurs générations ou bien fuyant leur pays (comme la jeune Roumaine Sarah Gartenstein-Sauvard). Qu'elles aient été agent de liaison ("facteur"), qu'elles aient distribué des tracts, aidé à héberger des Juifs recherchés, à cacher des enfants, rédigé et diffusé des journaux clandestins (comme le médecin Jeanne Anager et son "J'accuse" en référence au fameux article de Zola), elles ont toutes fait preuve d'un courage et d'une détermination incroyables, y compris sous la torture.

 

Oui, avec ce livre, Chantal Dossin "milite contre l'oubli" en redonnant à ces femmes la place qui leur revient dans l'histoire de la Résistance. Et de manière plus large, elle exprime son respect profond pour ces combattantes "audacieuses, généreuses et si avance sur la société de leur époque". Un bel hommage !

Patricia Deschamps, juin 2019


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