Dans l'atelier de Coco Chanel : Journal d'Aimée Dubuc, 1914-1919

par Christine FERET-FLEURY

- Venez dans l'atelier ! J'ai une idée.
- Vous en avez par centaines.
- Et elles sont toutes bonnes, convenez-en.
- J'en conviens.

Gallimard jeunesse, 2021, 157 p. (Mon histoire)
Gallimard jeunesse, 2021, 157 p. (Mon histoire)

9 juillet 1914
« — Je veux que la femme moderne puisse marcher à grands pas, courir, jouer au tennis, monter à cheval, en voiture ou dans un wagon de chemin de fer sans l'assistance de personne. Et pourquoi pas dans un avion? Un jour, cela viendra, vous verrez. En choisissant des tissus simples, des formes simples, j'espère créer une nouvelle élégance: celle de la ligne.»
De Deauville à Paris en passant par Biarritz, voici l'ascension fulgurante de Gabrielle Chanel et sa vie mouvementée, racontées par une jeune ouvrière de son atelier. Le portrait d'une créatrice libre et combattive devenue une légende dont la mode s'inspire toujours aujourd'hui.

(4e de couverture)

Mon avis :

Gabrielle Chanel et son canotier (p.15)
Gabrielle Chanel et son canotier (p.15)

J'aime beaucoup cette collection présentant une biographie sous la forme d'un journal intime. A travers les yeux d'Aimée la jeune couturière, on découvre le portrait de Gabrielle Chanel, femme libre et indépendante qui par son talent et sa créativité, va bouleverser la mode féminine.

D'emblée Aimée est fascinée par celle que son compagnon, Arthur Capel dit Boy, appelle Coco: "Cette femme ne marche pas, elle court; elle ne parle pas, elle s'enflamme; c'est un ouragan". Nous sommes à Deauville en 1914, dans un petit atelier de bord de mer. D'ailleurs les premières créations à succès de la styliste seront les canotiers ("Ces chapeaux d'homme qu'elle a mis à la mode pour les femmes et que toutes ses amies parisiennes s'arrachent.") et les marinières ("inspirées de celles des pêcheurs d'Etretat"). Ce que souhaite Gabrielle, c'est "dégager les femmes de toute contrainte, des baleines et du corset, des jupes entravées et des talons trop hauts" afin de libérer leurs mouvements: "Le confort des femmes lui tient tant à cœur qu'elle est prête à déclencher une révolution pour l'obtenir".

Gabrielle Chanel en marinière (p.58)
Gabrielle Chanel en marinière (p.58)

La styliste va d'ailleurs beaucoup s'inspirer des tissus (comme le jersey) et des coupes empruntés aux vêtements masculins. Sa veste de tailleur deviendra un incontournable et c'est aussi elle qui inventera le pyjama "comme pour les hommes. Il fallait s'y attendre. Depuis quatre ans, elle ne cesse de s'approprier les vêtements masculins, plus pratiques, plus confortables".

Même pendant la guerre, Coco ne cessera de créer, d'innover. Si, de retour à Paris pour l'hiver, les petites couturières cousent sans relâche des uniformes d'infirmières, les commandes des riches bourgeoises sont de plus en plus nombreuses ("Je couds pour des femmes qui ont des caprices de reine. Comment peuvent-elles penser à leurs robes?"). Au point que la modiste ouvre, non pas une nouvelle boutique, mais une véritable maison de couture. De nouvelles ouvrières sont embauchées chaque semaine, au point que "la villa ressemble à une ruche". Aimée, qui a connu l'atelier Chanel à ses modestes débuts, a désormais "la sensation de participer à une grande aventure", même si elle regrette sa complicité d'autrefois avec Gabrielle ("Maintenant, je suis une abeille parmi d'autres").

 

La veste Chanel (p.60)
La veste Chanel (p.60)

Plus le récit avance et moins il est question de Coco Chanel, que la couturière ne voit plus beaucoup. Ses propos mettent davantage en avant le contexte de la guerre et ses répercussions sur le quotidien, ce qui est également intéressant mais pas forcément ce à quoi s'attend le lecteur. Par contre j'ai trouvé pertinent d'évoquer les ragots qui n'ont cessé de poursuivre la styliste malgré son talent (""Ca ne se fait pas", que je hais ces cinq mots pour les avoir entendus toute ma vie!"). Difficile de faire oublier ses (modestes) origines ("Le Tout-Paris qui l'encense ne lui donnerait pas ses fils en mariage. Elle a été pauvre, elle a chanté dans un café d'officiers, elle a eu des amants"). Celle qui rêvait "la femme de demain", qui voulait "libérer les femmes", aura amorcé un vaste et colossal projet ("Il faut changer le monde") qui est toujours d'actualité: "Ce siècle est celui de la femme, je le sais, je le sens. Elles vont enfin pouvoir prendre leur destin en main".

Cette lecture, qui retrace à la fois un parcours et une époque, pourra être prolongée grâce au dossier "Pour aller plus loin".

Patricia Deschamps, avril 2022


 

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