Cœurs de cailloux

roman de Cécile CHARTRE

Alice éditions, 2015, 61 p.
Alice éditions, 2015, 61 p.

 

Dans une ville côtière, face à la mer, une veille femme est assise sur un banc à longueur de journée. Sur le banc, il y a un tas de petits cailloux et au pied du banc un gentil petit chien qui attend.

 

Un jeune lycéen qui passe devant ce banc tous les jours va finir, parce qu'il s'est tordu la cheville, par s'y asseoir à côté de la vieille dont tout le monde se moque.

 

Elle se met alors à lui raconter son histoire...

Mon avis :

Cœurs de cailloux est une de ces petites histoires qui, l'air de rien, "vous chamboule les tripes". Tout d'abord il y a la vieille dame. Cela fait si longtemps qu'elle passe ses journées assise sur le banc face à la mer à attendre on ne sait quoi, qu'elle s'est fondue dans le décor. Le lycéen qui passe devant elle tous les jours est tout aussi transparent : "son truc à lui, c'était juste l'absence. L'absence de style, l'absence de désir". On les sent tous les deux désœuvrés, chacun à sa manière.

 

Et voilà qu'un échange se crée, un peu par hasard, ou peut-être pas tant que ça. Plus exactement, Éléonore se met à raconter son histoire. Une histoire d'amour vieille de cinquante ans, pour un prénommé Théodore. Pour autant les sentiments qu'elle évoque font toujours mouche - l'amour est intemporel. Sauf que la vieille la répète chaque jour en boucle : "Tout y était comme hier, au mot et à la virgule près". C'est l'amour de sa vie, l'amour de toute une vie. Et voilà que la nostalgie commence à nous prendre, mêlée d'un certain mal-être, un sentiment de gâchis gênant, qui monte en puissance. Car on comprend de suite ce que le texte nous confirmera à la fin : "Théodore et personne d'autre. Mais elle savait qu'elle ne l'aurait jamais"...

 

Par effet de miroir, le jeune se met à raconter lui aussi une histoire. Mais ce n'est jamais la même. Chaque jour il affiche une nouvelle identité, une autre fille, inlassablement. Et puis il craque, se confie. Comme Éléonore, "il aimait comme personne n'aimait. Mais à l'intérieur seulement". 

Et puis il y a ce mystérieux narrateur, qui observe la scène et nous la commente. Là encore, on devine son identité avant qu'il ne la dévoile, grâce aux indications qu'il sème. L'histoire d’Éléonore n'en devient que plus triste encore. C'est ce sentiment qui persistera bien après la lecture, même si la rencontre entre ces deux êtres un peu perdus aura eu ceci de bénéfique : l'adolescent aura compris qu'il ne servait à rien de "rêver ma vie plutôt que de la vivre".

Patricia Deschamps, septembre 2017

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