La douleur rend vivant.
Silas est fou amoureux d'Astrid.
Mais un jour, la jeune fille meurt sous ses yeux, renversée par un camion.
Pour aider leur fils à surmonter son chagrin, les parents de Silas le confie à la CEDE, la Cellule d’Éradication de la Douleur Émotionnelle, afin qu'il soit oblitéré : une intervention neuronale soi-disant bénigne, dont seul un point bleu sur le poignet témoigne.
"Aucun enfant ne mérite de souffrir."
Silas est partagé, parce qu'il se sent mieux mais qu'en même temps, cette douleur est tout ce qui lui reste d'Astrid. Oublier qu'elle lui manque, c'est aussi perdre tous les moments heureux qu'ils ont passé ensemble...
Ce que ne sait pas l'adolescent, c'est que Astrid faisait justement partie d'un groupe de résistants, SOuvenirS, qui se bat pour "le droit de souffrir"...
Mon avis :
Plusieurs pistes de réflexion intéressantes dans ce roman, mais je n'ai pas réussi à accrocher pleinement à l'histoire.
Silas et Astrid vivent dans une société complètement aseptisée. L'éradication systématique de la douleur, parfois pour des motifs un peu superficiels, engendre des individus passifs qu'on encourage à passer leur temps sur le Réseau avec leur multitude d'amis plus ou moins virtuels... La moindre interruption dans votre connexion, et l'on vous relance pour y retourner ! Il est très mal vu de s'isoler, de se laisser aller à la rêverie (à la réflexion ?). L'objectif gouvernemental sous-jacent est clair : contrôler les agissements du peuple et en faire une masse docile... D'ailleurs le moindre élan de colère est mal perçu, et toute tentative de rébellion étouffée.
C'est le père d'Astrid qui représente le mieux les conséquences dévastatrices de la CEDE. Oblitéré plusieurs fois (il est de bon ton d'afficher un maximum de points bleus à son poignet !), notamment parce que "c'était trop dur, toutes ces disputes avec ta mère" (!..), ses émotions se sont tellement altérées qu'il en est devenu complètement apathique. Astrid, au contraire, est une jeune fille anticonformiste, qui aime braver le danger, surtout quand on le lui interdit ! L'état de son père la bouleverse et la révolte. Et puis il y a sa grand-mère, atteinte d'Alzheimer, qui, elle, n'a pas choisi de perdre ses souvenirs. Le parallèle est judicieux, tout comme le rapprochement entre les points bleus sur le poignet et les stigmates du Christ (d'ailleurs "à quoi sert-il aujourd'hui si on ne souffre plus ?").
C'est donc tout naturellement qu'Astrid va rejoindre les rebelles de SOS. Ce groupe refuse d'être condamné à "une vie déshumanisée", mais se trouve coincé entre la frustration de voir ses actions snobées par les médias (à la solde du gouvernement) et le refus d'entrer dans la criminalité en organisant des attentats...
Bref l'idée de départ est pertinente. C'est plutôt la structure du roman qui m'a gênée. Le récit démarre du point de vue de Silas et puis flashback, retour sur les événements mais du point de vue d'Astrid... Certes on envisage la situation sous une autre perspective, mais on subit également bon nombre de redondances qui alourdissent le texte. Peut-être aurait-il mieux valu alterner les narrations de manière plus dynamique, et un peu moins marteler les idées défendues.
Au bout du compte l''ensemble est sans surprise, et laisse une impression de déjà lu/vu.
Patricia Deschamps, février 2016