Ce serait merveilleux, Louis, si la vie se passait comme dans un livre. (p.146)
En septembre 1878, Robert Louis Stevenson a 28 ans. Accompagné de son ânesse Modestine, il traverse en douze jours les Cévennes, de Monastier à Saint-Jean-du-Gard. Dormant sous les étoiles, se lavant dans l`eau courante des rivières, amical envers tous ceux qu'il croise, il découvre la magie des rencontres, la complicité des paysages, l'ivresse de la liberté. Lui qui est parti sur la route à la suite de sa rupture avec Fanny, une américaine mariée de dix ans son aînée, il trouve en chemin toutes les raisons de croire en l`amour qui va changer son existence et ramène le livre le plus cordial et le plus confiant en la vie.
Mon avis :
Voici une très belle adaptation du livre de Robert Louis Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes, dont j'ai autant apprécié la fluidité du scénario que l'aquarelle effet sépia qui donne à la fois un côté ancien au graphisme et beaucoup de douceur.
Cette expérience qu'a voulu vivre l'écrivain (ou plutôt "l'homme de lettres" car il n'est pas encore connu), c'est tout d'abord une belle relation homme-animal avec l'ânesse Modestine. Si Stevenson la maltraite parfois (des passages qui fendent le coeur!), c'est surtout par maladresse (il ne sait pas comment la faire avancer ni comment charger correctement son paquetage). On voit en effet qu'il tient à sa fidèle compagne de voyage et le moment où, arrivé à destination, il doit la quitter, est poignant.
Stevenson souhaite "écrire un livre sur mon voyage" dans les Cévennes, alors même si on ne le voit jamais avec son journal (il est seulement mentionné une fois), on suppose qu'il y consigne les nombreuses rencontres qu'il fait afin de "raconter ce qui se passe dans nos campagnes". La plupart des aubergistes et villageois le conseillent et l'aident. Il fera même un passage dans un monastère. Si Louis apprécie "les beautés de la nature", l'aventure est essentiellement humaine.
Bien sûr, il y a aussi de mauvais moments: la difficulté à se repérer et parfois à avancer ("Il n'y avait pas de route directe dans cette contrée de forêts et marécages"), le froid, la pluie, la "solitude mortelle" des longues heures sans croiser personne. Dans ces moments-là remonte le souvenir de scènes avec Fanny (attention pour les collégiens: scène de nu), son amoureuse américaine exilée en France depuis que son mari, rentré aux Etats-Unis, ne donne plus de nouvelles. On a également un aperçu de Stevenson père, homme intolérant qui conteste les choix de vie de son fils ("Tu ne seras jamais ingénieur ou homme de loi.", "Ta conduite ne saurait salir notre nom. Ou tu ne seras plus mon fils.").
A la fin de l'album, un texte nous informe sur la suite (après Alès, la destination du voyage), que ce soit avec Fanny ou concernant sa carrière d'écrivain: paru en 1879, ce récit sera, bien que moins connu que "L'île au trésor" ou "L'étrange cas de Dr Jekyll et Mr Hyde", le premier succès de Stevenson.
Et pour les randonneurs, sachez que vous pouvez partir sur les pas de l'auteur grâce au chemin de Stevenson (GR®70)!
Patricia Deschamps, mai 2025