Un bonheur que je ne souhaite à personne

roman de Samuel LE BIHAN

On naît autiste, on meurt autiste, il n'y a pas de remède. Mais il n'y a pas non plus de fatalité.

Flammarion, 2018, 256 p.
Flammarion, 2018, 256 p.

 

Laura, quadragénaire mère de deux garçons dont un autiste, comprend un jour qu'elle est en train de passer à côté de sa vie. Forte de son amour inépuisable et de sa détermination face au handicap de son fils, elle a très vite choisi de ne pas subir mais d'agir. Seule contre tous, elle va loin, jusqu'à basculer dans l'illégalité pour obtenir de menues victoires. Mais ne s'oublie-t-elle pas trop dans cet éprouvant combat qu'elle mène au quotidien ? Où retrouver ce bonheur qui paraît s'être envolé ?

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Un roman aux allures de témoignage qui nous explique le quotidien avec un enfant autiste.

Tout commence par un malaise provoquant l'évanouissement de Laura. Surmenage, diagnostique le médecin, "pensez un peu à vous". C'est l'occasion pour la quadragénaire de faire le point sur sa vie "triste et dénuée de passion" centrée sur son petit César qu'elle adore mais qui est bien compliqué à gérer. Laura raconte le comportement atypique de son fils qui requiert patience et énergie pour chaque étape de la journée: les émotions difficiles à exprimer, la sensibilité aux émotions anxiogènes, les écholalies, les crises, mais aussi les problèmes de motricité, la nécessité de mettre en place des rituels, les repas interminables parce que César ne veut pas d'aliments verts (par exemple) et met cinq bonnes minutes entre chaque bouchée. Eric, le père, est parti à peine le diagnostique posé, alors Laura doit se débrouiller seule. Son aîné, Ben, a un bon contact avec son frère, mais c'est un adolescent qui a aussi besoin que l'on s'occupe de lui, se sent parfois délaissé, dépassé. Laura se sent seule, impuissante, culpabilise d'avoir mis au monde "un enfant pas comme les autres", subit le jugement et les a priori des autres parents.

 

Mais le plus dur, c'est certainement le "véritable parcours du combattant" pour que César reçoive les soins et les aides dont il a besoin. Les rendez-vous médicaux (orthophoniste, psychologue, kiné, ostéopathe...) sont nombreux et coûteux. Les médecins recommandent l'internement en service psychiatrique mais Laura refuse que l'on enferme et drogue son fils: quelles "méthodes archaïques"! Avec son amie Ellen, elle a fondé une association de prise en charge des enfants autistes, "P'tit à p'tit", les enfants s'y sentent bien mais la structure requiert beaucoup d'investissement personnel: obtenir des subventions, accueillir les familles, informer et conseiller... Et maintenant que César est en âge d'entrer au CP, Laura n'a qu'un objectif: le scolariser afin de développer ses capacités langagières et sociales.

 

Là encore le combat est épuisant. Il faut se battre contre "cette société qui met en marge mon tout-petit et ses semblables", les directeurs d'école qui rejettent la demande, les institutrices dubitatives, la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) qui doit accepter la mise à disposition d'un AVS (assistant de vie scolaire), le ministère de l'éducation qui doit en recruter... On cherche à l'orienter vers des structures adaptées (classe ULIS) mais Laura tient à ce que César fréquente des enfants "neurotypiques" afin que son fils ne s'enferme pas dans son attitude, mais aussi pour ouvrir les autres enfants (et les adultes!) à la différence et à la tolérance.

 

Et comme de fait César fait d'énormes progrès ("par mimétisme, il a développé le langage, les échanges sociaux, l'apprentissage et la confiance en lui"). Portée par l'épanouissement de son enfant, par la tendresse de Mathieu qu'elle a rencontrée, par l'admiration de son grand, Ben, par la confiance que lui portent les parents de l'association, Laura découvre peu à peu ce que c'est que d'être heureuse et surtout que "ça se transmet et ça fait du bien" à soi et autour de soi. Même si sa vie sera "sur le fil, toujours", Laura sait désormais qu'elle ne sera pas seule mais portée par autant d'amour.

Patricia Deschamps, mars 2020



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