Turcos, le jasmin et la boue

BD de TAREK (texte) et Batist PAYEN (dessin)

Qu'Allah nous protège de la folie des hommes !

Tartamudo, 2011, 62 p.
Tartamudo, 2011, 62 p.

Basé sur les parcours de l'arrière-grand-père de Kamel Mouellef, et de son arrière grand-oncle, Turcos nous raconte tout d'abord une histoire d'hommes, des poilus qui ont combattu dans les tranchées, loin de chez eux, pour une Mère Patrie que la plupart ne connaissaient pas avant d'arriver sur le sol de France. À travers ces deux soldats sont évoqués le rôle et la place des combattants indigènes dans l'armée française avec l'idée de montrer et surtout de raconter des histoires personnelles (exclusivement fictives) sur un arrière-plan réel et historique, celui de la Première guerre mondiale.

Mon avis :

Je prends enfin le temps de lire cette bande dessinée que j'ai au CDI depuis plusieurs années et qui aborde la Grande Guerre du point de vue des tirailleurs algériens, les "Turcos". Comme l'indique la partie documentaire en fin d'album, riche en photographies d'époque, ces soldats doivent leur surnom aux Russes qui, lors de la campagne de Crimée (1854-1856) les ont confondus avec des Turcs à cause de leur uniforme oriental.

 

Dès le départ, on a le sentiment que ces tirailleurs venus d'Algérie pour renforcer les régiments constituent de la chair à canon. On ne leur donne que des missions dangereuses: "On a pris position pour contenir l'avancée allemande et permettre au reste de l'armée de se replier", "Notre sacrifice permettra de lui donner du temps", "On doit prendre d'assaut la mitrailleuse qui se trouve derrière le grand arbre", etc. Le récit contraste entre les ordres officiels venus du général Joffre ("Une troupe devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer plutôt que de reculer") et la réalité du terrain où "nous étions en enfer" et où les pertes humaines sont nombreuses ("On a perdu des copains, beaucoup").

 

Si les Algériens sont parfois victimes de racisme ("Hé, l'Arabe!"), tout soldat comprend rapidement qu'au milieu de cette boucherie, il faut être solidaire pour espérer survivre. Les scènes de combat sont très réussies, à la fois réalistes et touchantes ("Un nouveau carnage") et il y a un vrai travail sur les couleurs qui varient en fonction des épisodes. L'histoire (vraie) est basée sur la vie de Alouache Ahmed Saïd Ben Hadj, incorporé au 11e Régiment de Tirailleurs de Constantine, mais elle est racontée du point de vue de son camarade Ben Slimane (j'ai eu du mal à identifier les différents protagonistes). Le récit n'est pas forcément dans l'ordre chronologique, ce qui le rend parfois confus. Mais il donne un bon aperçu de cette guerre meurtrière dont le bilan humain, comme l'indique la dernière planche, fut terrible pour tous, quelle que soit son origine.

 

Patricia Deschamps, novembre 2021


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