Tombé dans l'oreille d'un sourd

Grégory MAHIEUX (scénario et dessin), Audrey LEVITRE (scénario)

On aimerait que Tristan ait le choix de sa vie et que ce ne soit pas son handicap qui l'oriente !

Steinkis, 2017, 189 p.
Steinkis, 2017, 189 p.

 

Grégory et Nadège sont comblés par la naissance de leurs jumeaux, Charles et Tristan. Pourtant leur univers s'effondre lorsque le diagnostic tombe: Tristan est sourd profond.

 

Comment alors, en tant que parents entendants, aider leur fils à s'épanouir dans notre société d'hyper-communication ? Comment respecter son identité propre dans ce monde qui laisse, au final, peu de place à l'altérité ? Bref, comment prendre les bonnes décisions pour Tristan ?

 

 

Texte : 4e de couverture

L'avis d'Anaïs, en 6e :

Cela fait bizarre de lire l'histoire de gens que l'on connaît ! Je ne savais pas ce que Nadège et Grégory avaient traversé quand les jumeaux étaient petits. J'ai appris par exemple que bébé, Tristan entendait, ce n'est qu'au bout de plusieurs mois que la surdité a été diagnostiquée. Et puis Charles a eu des soucis de santé aussi (une galactosémie) et il a failli mourir ! A côté de ça, il y a des passages que j'ai trouvés répétitifs, notamment quand les parents ont du mal à s'organiser. Parfois aussi, il y a de longs passages avec beaucoup de texte. Mais c'est une BD très intéressante !

 

L'avis de Michaël, en 2de :

C'est un très bon livre avec de beaux dessins. L'absence de couleurs ne m'a pas dérangé. L'histoire est bien racontée. Je l'ai peut-être plus appréciée parce que je connais la famille. C'est un témoignage touchant mais il faut suffisamment de maturité je pense pour bien le comprendre et l'apprécier : le livre évoque aussi les personnels de santé qui ne sont pas toujours à l'écoute des familles. C'est une BD encourageante, je trouve, les Mahieux ont traversé beaucoup de périodes difficiles et même s'ils ont eu des moments de faiblesse, ils n'ont rien lâché et réussi à s'en sortir. Quand on les voit actuellement on ne se rend pas compte de toutes les épreuves qu'ils ont endurées !

 

Mon avis :

Le cri de détresse de parents seuls face au handicap de leur fils.

Plusieurs émotions traversent cette bande dessinée autobiographique. Tout d'abord le désespoir de se sentir "impuissants" à soulager "la souffrance de notre enfant", la culpabilité aussi - celle d'une mère qui s'entend dire : "C'est le lait maternel qui a empoisonné Charles" (!), ou encore "Pourquoi moi je suis sourd ?"... Le manque d'écoute, d'humanité même, de ces "blouses blanches" non seulement incapables de répondre aux questions angoissées ("les résultats sont douteux", "peu concluants") mais aussi responsables de paroles malheureuses ("Chacun de vous est porteur d'un gêne. Vous n'étiez pas faits pour être ensemble"). Pire, les avis médicaux contradictoires, ajoutés aux démarches administratives sans fin, donnent l'image de professionnels de santé peu impliqués voire incompétents ("On nous a dit de forcer"). Démunis, les Mahieux subissent également le manque de soutien de leur entourage.

 

Et puis c'est la colère qui gronde, quand Grégory se heurte à la mauvaise volonté d'un directeur refusant le moindre aménagement d'emploi du temps afin qu'il puisse s'occuper du suivi médical de ses garçons, ou encore lorsqu'on refuse l'accès à la cantine de Charles atteint d'une intolérance alimentaire parfaitement gérable. Quant à l'intégration de Tristan, tout juste équipé d'un implant cochléaire, c'est un véritable parcours du combattant ! L'exaspération est d'autant plus grande que la scène où il entend pour la première fois la voix de son papa est très émouvante : "Les émotions ressenties à ce moment-là restent indescriptibles". Tout comme sa découverte progressive de son environnement sonore et les liens qui se créent, enfin, avec ses proches : "partager ensemble, parents et enfants, cette nouvelle dimension". L'opération est une réussite, la communication avec les entendants devient possible, alors pourquoi l'en priver ?

 

Car l'enjeu est bien là : "ne pas résumer son identité à la surdité", ne pas "l'enfermer dans une communauté", ne pas le reléguer "dans des protocoles sans se soucier de ses capacités ni de sa personnalité". Mais pour cela, il faut un minimum de "bienveillance" et "d'écoute", de bonne volonté de la part d'encadrants s'enfermant dans "un vrai dialogue de sourds", bref "que tout le monde y mette du sien" ! Or il existe un tel "décalage entre les paroles et les actes" malgré la loi de 2005 sur le handicap ! La détermination à se battre contre un système discriminatoire, voilà ce qui anime Grégory et Nadège tandis que Tristan évolue à l'école primaire. Un "bras de fer" épuisant physiquement et moralement, afin de sortir leur fils de son isolement, de sa "relégation". Et quand on voit le petit garçon épanoui qu'il est devenu, on ne peut qu'être impressionné face au courage et à la volonté de cette famille qui a réussi à rester unie malgré l'adversité.

Patricia Deschamps, juin 2017


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