Plus un être est heureux dans le réel,
moins il aura besoin d'aller s'épanouir dans le monde virtuel. (p.43)

Nous les suivons au quotidien, du lever du jour jusque tard dans la nuit. Ils consacrent leur vie à nous donner envie de les imiter, de nous habiller comme eux ou de visiter les mêmes lieux exotiques. Eux, ce sont les influenceurs.
Cette vie rêvée, ils la gagnent... en nous influençant. Mais de là à nous manipuler, il n'y a qu'un pas.
Alors, l'influence, comment ça marche ? Qui a commencé la course aux likes? Jusqu'où peut aller la folie des rémunérations? Quelles sont les conséquences pour la société quand les hommes politiques sont, à leur tour, tentés par les sirènes des réseaux sociaux ?
Enfin si tout le monde ou presque a un compte sur les réseaux sociaux, est-ce à dire que nous sommes tous l'influenceur de quelqu'un d'autre ?
Mon avis :

Merci à Lirado (prof doc en collège également) de m'avoir fait découvrir cette BD documentaire démythifiant les influenceurs et expliquant clairement, non sans humour, le fonctionnement des réseaux sociaux (attention néanmoins à masquer "L'origine du monde", le tableau de Courbet représenté p. 104).
C'est par l'intermédiaire d'un compte Instagram créé pour son chien Sirius que le journaliste Gurvan Kristanadjaja s'est plongé dans ce monde factice ("Les réseaux sociaux ne sont pas la réalité.") à la recherche de la validation de ses pairs... et c'est édifiant!
Mais qui aurait été le tout premier influenceur de l'histoire? Si l'on considère qu'un influenceur est "une personne dont la parole est lue, entendue et crue par le plus grand nombre", que c'est "quelqu'un qui revendique un lifestyle si inspirant qu'il donne envie de marcher à ses côtés" alors l'initiateur serait... Jésus-Christ! Il a des milliards de followers à travers les pays et les siècles... tout comme ses homologues Mahomet, Confucius et Bouddha!
Parmi les gens inspirants, on peut aussi évoquer les penseurs de la Grèce antique et les philosophes des Lumières. La différence entre ces personnalités et les influenceurs, c'est que les premiers avaient pour objectif de convaincre et d'inspirer, alors qu'aujourd'hui on ne pense qu'à faire acheter et consommer...
S'appuyant sur des influenceurs connus sur les réseaux et des exemples concrets, l'auteur montre en effet l'envers du décor ("derrière la vie de rêve"): la pression du like qui pousse à acheter des followers ("Si on ne me like pas, j'ai l'impression qu'on ne m'aime pas"), à en faire toujours plus (photos mises en scène, design accrocheur, vidéos), toujours plus souvent (pour rester dans le fil), en multipliant les hashtags afin d'être mis en avant par l'algorithme... Que d'énergie, de temps et d'argent pour un résultat non garanti!
Pourquoi chercher à se mettre ainsi en avant, à impressionner les autres? A-t-on une si mauvaise estime de soi que l'on recherche la popularité à tout prix? Est-on à ce point avide de succès et d'argent qu'on en perd toute authenticité? Le journaliste insiste sur l'impact négatif auprès des jeunes des photos postées sur les réseaux qui génèrent bon nombre de complexes ("Je veux ce visage / ce corps") voire de dépression. Beaucoup se perdent dans cette quête de réussite (rapide et facile) et d'amour...
J'ai aimé le passage sur Dubaï, qui montre la réalité derrière le bling-bling: n'oublions pas que les Emirats arabes sont un pays d'inégalités où la liberté et les droits sont très relatifs... Quant à l'île de Bali, qui fait aussi tant rêver les jeunes, elle commence à être dénaturée par le tourisme (constructions massives, pollution, profanation de lieux sacrés). L'auteur alerte aussi sur le dropshipping, pratique consistant à pousser les gens à acheter des produits sans réfléchir: les influenceurs sont souvent complices de ces accords lucratifs, soit parce qu'ils glissent des promos sans l'annoncer officiellement, soit parce qu'ils promeuvent des produits non conformes ou au prix excessif.
Enfin, le journaliste s'amuse des tentatives d'accaparement des réseaux sociaux par les hommes politiques afin de récupérer des électeurs: il ne suffit pas de faire des vues (ouf), encore faut-il un programme et un parti mobilisateurs.
Le dernier chapitre est consacré à Tik Tok, né du désir de la Chine de redorer son image (et d'apporter une alternative au modèle américain) mais sur lequel les données personnelles sont récupérées par le service de renseignement chinois...
Si, après tout ça, le métier d'influenceur fait toujours rêver, je ne comprends plus rien! N'oublions pas que l'essentiel se trouve dans le réel...
Patricia Deschamps, octobre 2025