P.S. : Tu me manques

roman épistolaire de Jen PETRO-ROY

D'après moi, c'est plus important d'être heureux que de suivre les règles.

Pocket jeunesse, 2019, 286 p.
Pocket jeunesse, 2019, 286 p.

 

Cilla, la sœur aînée d'Evie, n'est plus là. Enceinte à seize ans, elle a été envoyée en pension à des centaines de kilomètres... Alors, Evie lui écrit chaque jour ou presque: elle lui raconte son quotidien d'adolescente, le collège, la comédie musicale à laquelle elle participe, l'arrivée à l'école d'une nouvelle, June, qui fait battre son cœur un peu trop fort... Pour toute réponse, Evie ne reçoit que deux lettres, glaciales, comme si Cilla voulait couper les ponts. Convaincue que sa sœur est en danger, Evie part à sa recherche...

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Les lettres touchantes d'une adolescente à sa sœur disparue.

Depuis que Cilla est partie, rien ne va plus à la maison. Les parents passent leur temps à crier et se disputer ("Papa s'énerve quand les choses se cassent. Peut-être que pour lui, tu as cassé quelque chose. Notre famille. L'image qu'il avait de toi. Ton avenir"). Evie vient d'une famille catholique pratiquante et elle comprend qu'ils ont honte de leur aînée tombée enceinte à 16 ans. Sauf que leur colère rejaillit sur leur seule fille présente ("Ils se sont mis à me crier dessus aussi. Ils me traitaient comme si c'était moi qui étais tombée enceinte") et elle souffre de ce climat familial tendu. D'autant que personne ne lui explique rien. Ses parents refusant tout dialogue, s'enferment dans le silence. Ce qui choque le plus Evie, c'est lorsqu'ils la présentent comme leur fille unique à un vieil ami retrouvé... Pourquoi mentir? Pourquoi renier Cilla? Renier leur amour pour elle? "Ça ne ressemble pas du tout aux enseignements de Jésus"...

 

Evie s'interroge, mais Cilla n'est plus là pour l'écouter, la conseiller ("Tu n'es pas là pour le faire avec moi. Tu n'es pas là pour parler avec moi")... Un flot d'émotions la traverse, la colère, le sentiment d'abandon et le manque, surtout ("Je t'aime toujours"). Dans ses lettres, elle évoque toutes sortes de souvenirs et d'anecdotes qu'elles ont en commun, espérant donner envie à sa sœur de revenir. Et puis écrire, "ça rend le silence un peu moins oppressant". La vie continue malgré tout, et Evie raconte son (morne) quotidien de collégienne, ce qui lui donne "presque l'impression que tu étais là avec moi". En réalité, "ces lettres sont le dernier lien qui me connecte à toi"... L'adolescente se rend compte qu'elle n'est pas "la seule à souffrir", il y a maman qui passe son temps à pleurer, Alex le père du bébé, les amies de sa sœur qui s'inquiètent également. Et elle, Cilla, "qui doit se sentir encore plus seule que moi" chez tante Maureen à la campagne. Et toujours cette question lancinante: pourquoi ne répond-elle pas aux lettres? Les reçoit-elle bien?

 

Peu à peu les certitudes d'Evie s'ébranlent. Encore plus lorsqu'elle fait la connaissance de June qui va l'amener à s'interroger sur tout un tas de sujets, à commencer par sa foi en Dieu: "Croire en Dieu est une habitude dans laquelle je me suis engluée. A présent je réfléchis, je pose des questions". Et sa correspondance avec Cilla, même à sens unique, l'aide à y voir plus clair: "Ecrire est devenu ma façon de comprendre les choses".

Il lui faudra du courage, beaucoup de courage, pour agir "comme la personne que je veux être" face à l'attitude de ses parents, leur jugement, leurs mensonges, leur intolérance, leurs regrets ("Papa et maman n'ont pas toujours raison. Je le sais maintenant"). Mais Evie en est désormais persuadée: "Les choses changeront. Les choses ont déjà changé. Les choses continuent de changer".

Patricia Deschamps, avril 2020


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