Nouvelles contemporaines : regards sur le monde (anthologie)

Delphine de VIGAN, Timothée de FOMBELLE, Caroline VERMALLE

Le rythme de la vie, des transports, des communications crée un appel d'air auquel il est difficile de résister. Même la torpeur de l'été peine à nous arrêter.

Le Livre de poche jeunesse, 2012, 125 p.
Le Livre de poche jeunesse, 2012, 125 p.

♦Un parfum de rose et de sapin sec de Thimothée de Fombelle

Parce que sa famille vit à six dans 13m² depuis un an et demi, May se dessine une grande et belle maison pendant la nuit de Noël : avec un peu de chance, son rêve va devenir réalité...

 

♦ Comptes de Noël de Delphine de Vigan

Le père d'Elsa est parti une nuit de Noël. Ça fait exactement 730 jours. Il est parti à l'autre bout du monde, soit 20 000 km. Les calculs rassurent Elsa, ils endurcissent son cœur meurtri. Mais elle a peur que celui-ci devienne tout rabougri... Jusqu'au jour où naissent de petites souris blanches.


Le dernier tour de Caroline Vermalle

Derrière la vitrine du café où elle travaille, Leila la serveuse s'inquiète pour le vieux Gaston qui gère un manège pour enfants : il est tard, il fait nuit, plus personne ne viendra ce soir, et pourtant il est toujours là sous la pluie. Ce que ne sait pas Leila, c'est que Gaston attend de la visite : celle de Louis le soldat, venu le saluer avant son grand départ...

Mon avis :

Un recueil d'instants de vie qui donnent à méditer.

Tout commence avec "Comptes de Noël" (la seule nouvelle de Delphine de Vigan) dans laquelle la petite Elsa nous raconte sa soirée de réveillon qui fait écho en elle à un autre Noël : celui où son père est parti, le dernier qu'ils ont passé en famille. La souffrance de la fillette est évoquée avec beaucoup de pudeur, on sent que cet événement l'a bouleversée sans qu'elle l'exprime ouvertement : c'est à travers sa manie de tout rationaliser en chiffres que l'on devine son besoin de se rassurer. Elsa est apparemment une élève hors norme en maths, puisqu'elle est capable de comprendre le programme suivi par sa grande sœur Mathilda qui est au collège. Des capacités qui engendrent des frictions entre elles, mais qui ne les empêchent pas d'être aussi très complices. Puis s'ensuit une anecdote autour de souriceaux qui surprend un peu : on se demande quel peut bien être le rapport avec l'histoire de cette petite fille qui espère toujours le retour de son père. En réalité, c'est bien cet "incident" qui lui fera pleinement réaliser la situation, et surtout, l'accepter.

 

On reste ensuite sur le thème de Noël avec la première nouvelle de Timothée de Fombelle, qui en inaugure une série de sept, toutes très brèves (3 pages). Là encore l'atmosphère est empreinte de tristesse mêlée d'espoir, avec la petite May qui rêve d'avoir un vrai chez-soi. Le thème de l'injustice sociale est repris dans "Scène de comptoir" avec un SDF souhaitant affirmer sa dignité malgré sa détresse : "Le don n'est pas un geste du cœur, c'est l'affirmation d'une dignité." Même sentiment avec l'histoire du chômeur qui fait croire à sa famille qu'il a retrouvé un emploi dans "Il travaille"... Des situations touchantes, douloureusement réelles, évoquées sans misérabilisme ni moralité, focalisations ponctuelles d'un balayage social. Les autres nouvelles, tout aussi intimistes, sont plus autobiographiques : l'auteur y évoquent le travail d'écriture, de création littéraire, à travers quelques exemples personnels. Il fait aussi allusion au temps qui passe. Des réflexions simples, mais l'ensemble manque un peu de cohésion, et la brièveté des textes laisse le lecteur sur sa faim.

 

Les deux nouvelles de Caroline Vermalle sont davantage développées, trop peut-être en ce qui concerne la dernière : "La fille du déménageur", racontant tout l'amour d'un père pour sa fille, mais qui traîne un peu en longueur. "Le dernier tour" touche par la douleur nostalgique du vieux Gaston qui, malgré son grand âge, n'a jamais oublié un certain événement tragique de son enfance qu'il continue de ressasser... La chute de la nouvelle (malgré de menus éléments qui interpellent le lecteur) est inattendue, à la fois profondément triste et un brin poétique : comme Gaston, on aimerait parfois "voler à la vie une deuxième chance de se dire les choses qu'on ne s'est jamais dites"...

Patricia Deschamps, décembre 2015

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