Mon père est parti à la guerre

roman de John BOYNE

Il existe d'autres façons de participer à l'effort de guerre. Je ne suis pas certain que tuer des gens soit la plus fructueuse.

Gallimard jeunesse, 2014, 278 p.
Gallimard jeunesse, 2014, 278 p.

Alfie se souvient très bien du jour où les combats ont commencé : le 28 juillet 1914. Le jour de ses cinq ans. Pendant la fête d'anniversaire, chacun s'était efforcé de se comporter comme s'il s'agissait d'une journée comme les autres, mais la guerre était dans toutes les pensées. Ce jour-là, le père d'Alfie, Georgie, avait promis qu'il ne s'engagerait pas. Mais il avait rompu sa promesse dès le lendemain.

 

Quatre ans plus tard, Alfie ignore où il se trouve. Les deux premières années, Georgie avait envoyé des lettres. Mais depuis, plus rien. Est-il en mission secrète pour le gouvernement comme le prétend sa mère ? Ou bien est-il mort ? Quoi qu'il en soit, Alfie est bien déterminé à découvrir ce qu'est devenu son père.

Mon avis :

John Boyne est un peu devenu le spécialiste de la guerre vue par les enfants et je m'attendais à la recette habituelle. C'est un peu le cas au début, puisque du haut de ses cinq ans, Alfie ne comprend pas grand chose de ce qui se passe autour de lui, d'autant que les conversations des adultes ont tendance à s'interrompre quand il arrive. La conséquence de la guerre la plus tangible pour lui est la pénurie de nourriture et d'argent, qui conduit sa mère à prendre un poste d'infirmière cumulé avec des travaux de lessive et de couture. Lui-même finit, en cachette, par délaisser l'école au profit d'un petit boulot de cireur de chaussures à la gare. Celui-ci est l'occasion de nombreuses rencontres offrant une galerie de portraits et de discussions variés.

 

A travers ces échanges se dessinent en filigrane des réflexions pertinentes sur la guerre et c'est là que le roman se démarque des autres récits jeunesse sur le sujet. Ainsi, M. Janacek, le marchand de bonbons qui a émigré de Prague des années auparavant et dont la fille est née à Londres, ne comprend pas qu'on le traite d'espion et qu'on l'emprisonne sur l'île de Man : "L'Angleterre, ce n'est pas chez moi. Cela ne l'a jamais été. Je l'ai cru, mais c'était faux"... Le personnage de Joe Patience est aussi très intéressant : en tant qu'objecteur de conscience, il refusera jusqu'au bout d'aller au front, ce qui lui vaudra aussi la prison et surtout le mépris de ses voisins. On apprend en passant qu'à l'époque, les femmes donnaient une plume blanche à ces hommes en signe de lâcheté.

 

Mais le vrai point fort de ce livre, c'est d'évoquer les traumatismes des soldats, sujet demeuré longtemps tabou. L'enquête d'Alfie le mènera à faire des découvertes terribles. Malgré tout il poursuivra sa "mission secrète" à lui, en petit garçon courageux et volontaire. Son "Où est papa ?" inlassable sonne autant comme le leitmotiv d'un garçonnet entêté qu'un cri de ralliement dicté par le cœur. Car tout ce que souhaite le petit Alfie, c'est "revenir à la vie d'avant"... Espoir illusoire, cependant grâce à lui, après la guerre, ses proches s'évertueront, tous ensemble, à ce que "la vie soit revenue à la normale, du moins à un nouveau genre de normalité".

Patricia Deschamps, octobre 2017

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