Mauvais sang

roman de Catherine DABADIE

Les choses les plus difficiles donnent souvent les meilleurs résultats.

Actes Sud junior, 2021, 180 p.
Actes Sud junior, 2021, 180 p.

Giacomo a onze ans quand il découvre, après une descente de la police chez lui en pleine nuit, que son père est le chef de la mafia locale. Celui-ci en prison, le garçon grandit dans une culture machiste et, à l’adolescence, son oncle Riccardo l’initie aux opération de racket chez les commerçants, le pizzo.

 

Jusqu’au jour où l’une d’elles finit mal. L’adolescent est arrêté et le juge décide d’une mesure d’éloignement dans le nord de l’Italie. Le petit caïd se retrouve du jour au lendemain coincé dans un vaste domaine viticole... dirigé par des femmes. Sous sa nouvelle identité, Giacomo devenu Otto se cherche, entre conflit de loyauté avec son clan, velléités d’émancipation et idylle secrète avec la belle Livia...

(Texte: service de presse)

Mon avis :

On parle souvent du poids des traditions familiales qui empêchent certaines filles d'être libres. Pour une fois c'est un garçon qui est aux prises avec les obligations qu'on lui impose: "J'étais l'héritier d'un empire familial, je devais tenir mon rang".

Giacomo n'a jamais rien connu d'autre que le milieu mafieux auxquels les hommes de sa famille appartiennent- son père, son oncle Riccardo et avant eux, le nonno, le grand-père. Son éducation est faite de violence ainsi que de mépris pour les règles et la justice. De peur aussi, car désobéir aux lois du clan, c'est se condamner à de terribles représailles. Alors Giacomo suit l'exemple, joue les caïds, fuit le collège jugé inutile vu sa destinée, se laisse initier par son oncle aux pires actes (son père est en prison). Jusqu'à devenir lui-même "un sale bâtard" qui "ne respecte plus rien".

 

La mesure d'éloignement du juge a pour objectif de l'extraire de son milieu. Dans la propriété viticole de Goliarda, entièrement tenue par des femmes, Giacomo voit son machisme ébranlé ("Les hommes ont tendance à dicter leurs choix. Je voulais être libre"). L'adolescent est touchant parce qu'on le sent déchiré entre ce qu'on lui a toujours enseigné et une certaine conviction au fond de soi. Il va notamment reconsidérer sa mère, femme en apparence soumise dont il va découvrir tout le courage au quotidien ("Cette façon qu'elle avait de tenir tête à son père").

J'ai trouvé sa rencontre avec la jeune Livia peu crédible et le thème du "sauvetage" par le théâtre est un peu rebattu, même si on en comprend l'utilité par la suite. Globalement, Giacomo va réaliser qu'il y a d'autres manières de faire: "Je découvrais que le travail payait. A l'école (...), dans les vignes (...), côté théâtre". Peu à peu, "à mille lieues de l'atmosphère qui avait toujours régné chez moi", l'adolescent s'épanouit.

 

Cependant rien n'est simple et Giacomo est vite rattrapé par ses origines: "Je sentais la fatalité peser sur mes épaules. On n'échappe pas à son destin". C'est une ultime confrontation avec son père qui va lui ouvrir les yeux sur "cette loi rance, digne du temps des cavernes". Grâce à ces quelques semaines passées ailleurs avec d'autres, Giacomo le voit sous un autre jour: "Ce père que j'avais tellement admiré me semblait si médiocre tout à coup". Il décidera alors, dans un acte fou mais assumé, de ne plus être "l'otage de ses choix". Désormais s'ouvrira à lui la liberté d'être qui il veut.

Patricia Deschamps, mars 2021


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