Martin Eden

roman de Jack LONDON

La vie n'est, je crois, qu'une gaffe et une honte. C'est vrai, une gaffe et une honte.

A Oakland, sur la côte Ouest des Etats-Unis au début du XXe siècle, vit Martin Eden, un jeune marin d'une vingtaine d'années né dans les bas quartiers et qui n'a connu que la misère et la violence.

Cependant un beau jour, lors d'une rixe, il prend la défense d'un jeune homme issu d'un milieu aisé. Celui-ci, pour le remercier, l'invite à dîner et lui présente sa sœur Ruth dont Martin va tomber immédiatement amoureux. Dès lors, pour la séduire, il décide de s'instruire d'une façon quasiment compulsive tout en espérant devenir un écrivain célèbre.

Mais quand, après une longue série d'échecs, le succès arrive enfin, il est accompagné de désillusions qui vont déstabiliser Martin et le pousser à prendre une décision radicale.

 

L'avis de Fabien, bibliothécaire :

voir la bande annonce du film de Pietro Marcello (2019)
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Publié en 1909 aux Etats-Unis (il ne sera traduit en français qu'en 1921), Martin Eden est considéré comme le roman le plus personnel de l'auteur de Croc-blanc et autres L'appel de la forêt. Certains vont même jusqu'à évoquer une "autobiographie déguisée". Il est vrai que le héros et l'auteur partagent certains points communs: l'aventure, l'autodidaxie, la misère, l'écriture... (sans compter une autre similitude impossible à dévoiler sans spoiler) mais les comparaisons s'arrêtent là, nous sommes bien en pleine littérature. Et quelle littérature! Considéré comme le plus grand roman de son auteur, Martin Eden est un roman d'apprentissage doublé d'une critique sociale assez féroce. L'attachant Martin peine à trouver sa place dans une société qu'il ne comprend pas, tout autant que sa voie pour accéder au succès qui l'attire tant et qu'il croit indispensable. Le monde étriqué décrit par London finira par avoir raison de l'innocence de Martin et celui-ci, en accumulant la culture et les connaissances, prendra conscience paradoxalement de la bêtise qui l'entoure. Son désenchantement progressif est l'une des grandes forces du roman, l'auteur, par son style simple et subtil, nous le faisant ressentir au plus près. Mais ne surtout pas croire que la lecture de ce classique soit déprimante. Malgré son désespoir, ce roman d'aventures, humaines et maritimes, fourmille de vie et se lit d'une traite. Un chef d'oeuvre indémodable.

Octobre 2019

 

Mon avis :

Encore un classique pioché dans la liste de lecture de ma fille en spécialité Littérature. Fabien l'avait bien défendu mais j'ai trouvé qu'il comportait beaucoup de longueurs... L'idée de départ est sympa : un marin un peu rustre abandonne son métier pour faire des études afin d'être digne d'épouser la jeune bourgeoise dont il est amoureux. Malgré ses origines sociales, il a de réelles facilités à assimiler les connaissances dans les livres qu'il dévore en autodidacte et révèle une capacité d'analyse très fine. Il se découvre une passion pour la littérature et entreprend de devenir écrivain. Malgré une production prolifique, journaux et éditeurs refusent de le publier et il sombre dans la misère. Il se retrouve rejeté par tous, personne ne comprenant son entêtement à continuer d'écrire au lieu de « chercher une situation ». de son côté, Martin Eden, désormais cultivé et capable de débattre en société, ne comprend pas que ce milieu qu'il brigue ne l'accepte toujours pas… Il a désormais bien plus d'esprit que ces gens ayant bénéficié d'une éducation (« Il avait commis l'erreur de confondre éducation avec intelligence ») ! Mais sans argent, il n'est toujours rien à leurs yeux… Ruth elle-même finit par s'éloigner (« Elle n'eût aucune foi en l'avenir de Martin comme écrivain ») et Martin se rend compte que « vous vouliez me rabaisser et me modeler à l'image des vôtres, d'après l'idéal de votre classe, l'évaluation de votre classe, les préjugés de votre classe ». Et en même temps, même s'il le voulait, impossible de reprendre son ancienne vie tant est grand le décalage avec ses camarades d'autrefois (« Il était devenu un étranger. Il avait trop évolué »). Martin a voulu s'élever socialement mais n'a pas trouvé sa place pour autant (« votre vie bourgeoise où tout est mesquin, faux et vulgaire »).

 

C'est un concours de circonstances qui finira par lui apporter le succès. Devenu riche grâce à ces mêmes écrits autrefois refusés, Martin ne comprend pas ce qui a pu faire changer d'avis les éditeurs (« Il se souvenait que tous ces manuscrits avaient été refusés froidement, bêtement, systématiquement, par ces mêmes magazines qui l'imploraient à présent »). La profession en prend un sacré coup au passage, révélant un milieu méprisant, formaté et spoliateur. Martin ne comprend pas non plus que ces distingués messieurs lui ouvrent à nouveau les portes de leurs riches demeures : il est « toujours le même » que lorsqu'il avait les poches vides (« Ma valeur personnelle est exactement semblable à ce qu'elle était quand personne ne voulait de moi ») ! Amer, il sombre dans la dépression, apportant une fin tragique à ce qui était au départ une admirable volonté de s'élever de sa condition.

 

Patricia Deschamps, février 2023


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