Libres dans leur tête

roman de Stéphanie CASTILLO-SOLER

- Dessiner te permet en quelque sorte de rester libre. Même si tu es enfermé ici [en prison] tu es libre dans ta tête, et c'est cela qu'il faudrait montrer aux gens.

Librinova, 2019, 157 p.
Librinova, 2019, 157 p.

 

Romain arrive en prison. Les choses n’auraient jamais dû en arriver là, mais une vieille femme est morte… et il doit payer. Il va partager sa cellule avec Laurent, inculpé pour l’homicide d’un dealer.

 

En même temps qu’ils vont apprendre à se connaître, les deux garçons vont découvrir ensemble les codes de l’univers carcéral. De façon surprenante, c’est dans cet environnement hostile et fermé qu’ils vont aussi réussir à nouer des liens d’amour et d’amitié.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Quand le passage "par la case prison" amène deux jeunes à se révéler à eux-mêmes.

Laurent et Romain n'ont pas grand chose en commun à part leur âge. Certes ils ont tous deux souffert de l'abandon maternel, cependant ils viennent de deux milieux opposés: le premier d'une famille bourgeoise et cultivée, le second a bourlingué de famille d'accueil en famille d'accueil jusqu'à être recueilli par Fred et Marinette qui lui ont donné quelques repères et beaucoup d'affection. Laurent "aurait préféré partager sa cellule avec quelqu'un de plus cérébral"; méprisant, il déplore que les conversations de Romain, qui a arrêté les études après le collège, "manquent de profondeur". C'est sûr, "ils ne seraient jamais approchés l'un de l'autre si la vie ne s'était pas chargée de les envoyer là". 

 

Pourtant, malgré leurs différences, les deux garçons ne s'entendent pas si mal. Romain a à cœur de "prouver qu'il a de la valeur". Et puis avec la vie en prison, "on a le temps d'analyser, de réfléchir, de ressasser, et les sentiments, les émotions sont exacerbées". Des tensions montent, des disputes éclatent, mais qui vont amener Laurent et Romain à exprimer leur ressenti, à s'expliquer. Le quotidien difficile et le danger que peut représenter les autres détenus les rapprochent. Le récit mêle étroitement les conditions d'emprisonnement ("le temps qui semble s'être arrêté", la privation de liberté, le manque des proches, la solitude), à l'évolution de la relation entre les deux personnages dans la promiscuité de leur cellule.

 

Derrière son allure condescendante, Laurent "étouffe des sanglots dans son oreiller" quand vient le soir. Il se raccroche aux lettres de Clémentine, sa correspondante pénitentiaire. Se rend compte qu'il a sous-estimé Romain qui a par ailleurs le mérite de lui redonner le goût de rire. Celui-ci a une réelle "soif d'apprendre", se rapproche de Serge, le détenu responsable de la bibliothèque, et tombe amoureux de Manon, la petite sœur de Laurent en photo sur le mur. Son talent pour le dessin lui permet d'exprimer sa "sensibilité extrême", reflète ses états d'âme, lui ouvre des perspectives. Quand il sortira d'ici, il compte bien "être quelqu'un d'autre".

 

Lequel des deux a le plus changé au cours de ces mois passés enfermés ensemble? En tout cas, "leur amitié partagée leur permet de voir avec d'autres yeux". Cette douloureuse expérience les a conduits à "une introspection forcée" et même s'ils ne parviendront jamais à effacer les stigmates de la prison, "c'est ici, à compter les jours et lutter contre l'ennui, qu'ils ont le plus appris, sur eux-mêmes et sur les autres". Désormais ce sont des "hommes neufs" et une nouvelle vie les attend.

 

Patricia Deschamps, août 2020


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