Les enfants des Feuillantines

roman de Célia GARINO

- Peut-être qu'on n'a pas beaucoup d'argent, que je me tue à la tâche, que je les élève mal, qu'ils vivent avec un cochon, un perroquet et un lapin, une arrière-grand-mère qui tient plus du meuble  que de l'être humain, mais ils sont heureux, ici. Aucun autre foyer ne les rendrait aussi heureux. Nous sommes une fratrie.

 

Sarbacane, 2020, 468 p. (X'prime)
Sarbacane, 2020, 468 p. (X'prime)

Bienvenue aux Feuillantines, une maison normande secouée par les vents et par la vie tumultueuse de ses habitants: la famille Mortemer. L’aînée, Désirée, a vingt-quatre ans, et à sa charge ses six cousins et sa sœur.

 

Sa mère et ses tantes ont en effet toutes trois abandonné leurs enfants. Isabella (la mère de Désirée et Brunehilde) s'est suicidée. Willa, maman des jumeaux Isidore et Honoré ainsi que de la petite Calliope, n'est jamais revenue de son voyage. Rosemonde, mère de Hermeline, Warren et Pernelle, a été internée en hôpital psychiatrique.

 

Désirée élève sa tribu avec beaucoup d'énergie et d'amour malgré la situation, tandis que les adolescents essayent de se faire une place et les plus petits d'assumer le manque de parents.

 

Mon avis :

Bienvenue dans la (nombreuse) famille Mortemer, au quotidien mouvementé... mais plein de tendresse!

Ne nous le cachons pas: au départ, il faut se faire un petit arbre généalogique pour se souvenir qui est le frère/la sœur de qui, qui est la progéniture de chaque triplée, ainsi que les âges et caractéristiques de chaque enfant! Mais petit à petit on se familiarise avec ces "Enfants Perdus" pour qui Désirée joue les "mère par intérim". Les chapitres, courts, se concentrent chaque fois sur l'un des jeunes héros, ce qui rend le récit dynamique et permet de mieux cerner les personnalités en nous immergeant dans leur intériorité.

 

Les Mortemer sont une famille "mutilée" mais soudée. Chaque enfant a sa propre façon de réagir à la situation (l'abandon de leur mère). Brunehilde, "en colère après la vie", est renfrognée et solitaire. Elle harcèle le petit Hugo pour avoir le sentiment d'exister, mais se fait elle-même harcelée par des filles de sa classe se moquant de son allure. En effet, la famille est pauvre et doit faire avec peu de moyens... Warren aussi est tour à tour l'objet de pitié et de rejet. Lui se réfugie dans son monde, allant jusqu'à se créer un ami imaginaire. Hermeline a le sentiment d'être "noyée dans la masse de sa fratrie", que "personne ne fait attention à elle", alors elle joue du piano bruyamment, en martelant les touches ("ses sentiments mis en musique"). La petite Calliope creuse des tunnels dans le jardin pour rejoindre sa maman, loin là-bas en voyage. Isidore inscrit en douce Désirée sur Tinder afin de "nous créer un papa à tous". Quant à Daisy, "la femme aux mille métiers", elle aurait bien besoin d'un peu d'aide parfois, et de s'accorder du temps à soi.

 

Et pourtant, "il suffit qu'un seul des petits me sourie, qu'un seul me dise merci, et j'oublie tout ça". Car malgré les difficultés que la fratrie rencontre, c'est l'effervescence, l'ambiance, la vie, qui ressortent avant tout. Ces cousin·e·s sont comme des frères et sœurs les uns pour les autres, et Daisy fait une bien meilleure maman pour eux tous que les leurs! On sent beaucoup d'amour entre eux et certains passages sont vraiment émouvants.

Ainsi ce roman véhicule, l'air de rien, un magnifique message de générosité. Car la vraie famille, c'est bien connu, est celle qu'on se choisit.

 

Patricia Deschamps, avril 2021


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