Les emmurés

Serge BRUSSOLO

♦ Thriller adulte

Le livre de poche, 2001, 288 p. (thriller)
Le livre de poche, 2001, 288 p. (thriller)

A l'origine, la mission de Jeanne était simple : s'installer quelque temps dans un immeuble où furent commis, des années plus tôt, plusieurs crimes inexpliqués, afin d'y écrire un reportage si possible sensationnel...

 

Mais aussitôt franchi le seuil de l'étrange maison Malestrazza, la jeune femme va deviner que les maléfices ne sont pas uniquement dus aux fantasmes du voisinage.

 

Est-il vrai que l’assassin habiterait toujours là, caché dans un appartement invisible ? Y a-t-il comme on le prétend des cadavres emmurés aux différents étages ? Et que lui veut au juste ce gamin trop imaginatif, le fils de la concierge, qui, spontanément, s'offre à lui faire découvrir les arcanes de la bâtisse ?

Mon avis :

Voilà quinze ans que je n'avais pas relu de roman de Serge Brussolo qui fut longtemps mon auteur fétiche. Est-ce la recette qui ne fonctionne plus ou bien ce titre qui ne fait pas partie des meilleurs de l'auteur, toujours est-il que je n'ai pas accroché autant que je l'aurai pensé.

L'immeuble de la place Verneuve n'a rien d'une maison hantée traditionnelle ("Comment je vais faire peur aux lecteurs avec un cadre pareil ?") : il est moderne et entretenu avec ferveur par la concierge Mme Cliquet qui se voit comme une sorte de "gardienne de musée" dans ce bâtiment où se sont autrefois déroulés des crimes atroces. Toujours habité par quelques irréductibles locataires, son sixième étage est entièrement voué à la mémoire de l'assassin ("Les dix-sept années de solitude avaient désincarné l'endroit") et fait l'objet d'une visite guidée par le fils de la concierge, Pierrot.

 

Pierrot est sans conteste le personnage le plus fascinant et en même temps le plus exécrable de ce huis-clos, même si chacun des protagonistes dispose d'une personnalité marquée (un des points forts de Brussolo). Fasciné par ces récits de victimes emmurées vivantes, il fait l'effet d'un "gosse un peu désaxé qui s'est complètement immergé dans cette histoire d'assassin fantôme pour oublier la médiocrité de sa petite existence". Le meurtrier et architecte de cet immeuble, Beppo Malestrazza, n'a en effet jamais été retrouvé et les hypothèses les plus farfelues circulent. "Coincé entre l'imaginaire et le réel", Pierrot entretient la légende, provoquant un certain malaise chez Jeanne la journaliste.

 

Car le lieu, son histoire, Pierrot lui-même, tout est ici profondément malsain, comme la jeune femme va l'apprendre à ses dépens au fil de son enquête. Un mystère plane sur Malestrazza que personne n'a jamais connu mais dont pourtant "chacun esquissait un portrait fantasmé". Une chose est sûre : "Sans femme, sans amis, sans enfants, il avait traversé la vie comme un fantôme". De même, la conception architecturale de son immeuble défie toutes les lois : "La maison restait un véritable défi à la logique", s'éloignant de la science pour verser dans la magie. Jeanne oscille sans cesse entre peur et raison, mais plus l'aventure avance, plus cette "certaine forme de peur délicieuse" se transforme en cauchemar pour elle. Le roman prend un tournant inattendu à mi-parcours, relançant l'intrigue. La journaliste obtiendra (à quel prix !) les éclaircissements qu'elle venait chercher, qui n'ont rien de surnaturels, mais ces explications rationnelles n'en seront pas moins terrifiantes ! Au final Jeanne se laissera contaminer par le délire de l'architecte fou pour un aller simple vers la psychose...

Patricia Deschamps, octobre 2017


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