La vie tranchée

roman de Bénédicte des MAZERY

Ma Lili chérie,

Pour nous, pauvres innocents guerriers, la vie est bien peu de choses. Nous vivons au jour le jour. A l'instant bien portants et, peut-être, dans quelques minutes... morts !

 

Hachette, 2009, 283 p. (Bibliocollège)
Hachette, 2009, 283 p. (Bibliocollège)

Hôpital militaire d'Amiens, août 1917.

En convalescence pour avoir perdu deux orteils dans le froid des tranchées, Louis Saint-Gervais reçoit une lettre officielle le déclarant "inapte au service armé". Il est affecté à la commission de contrôle postal en tant que lecteur.

 

Son rôle consiste à lire les centaines de lettres que les soldats du front envoient à leur famille afin de censurer les "indésirables" qui donnent trop de précisions rapport aux affrontements ou qui véhiculent un état d'esprit négatif : "indication précise de lieux", "pacifisme", "fraternisation avec l'ennemi", "défaitisme" sont les principaux motifs de non acheminement des courriers. Rien ne doit décourager les Français à continuer le combat !

 

Mais plus les mois passent, plus Louis peine à rester indifférent face à la souffrance et la détresse des soldats. Il n'en peut plus d'étouffer la réalité des tranchées, et surtout de priver des hommes en plein désarroi de leur seul réconfort : recevoir quelques mots de leurs proches pour tenir encore. Le voilà tenté de passer outre les consignes...

 

Mon avis :

D'abord destiné à un public adulte (aux éditions Anne Carrière), ce roman a été adapté pour être apprécié également des adolescents : vocabulaire expliqué, passages supprimés et résumés, dossier illustré sur la Grande Guerre en fin d'ouvrage. L'ensemble donne une peinture particulièrement émouvante du ressenti des soldats pendant ce terrible conflit.

 

Sentiment d'être mené à l'abattoir, d'être abandonné à son sort, que la guerre ne cessera jamais, le désespoir grandissant des hommes est entièrement absorbé par Louis Saint-Gervais qui a lui-même vécu les tranchées. Le texte, enrichi d'authentiques lettres de poilus, mêle habilement description et émotion.

 

On se passionne aussi pour l'histoire personnelle de Louis, son amitié avec Fernand toujours hospitalisé, son béguin pour Blanche la rédactrice de rapports, son mépris pour son collègue Pageot qui note scrupuleusement dans un carnet le nom des correspondants "suspects", son aversion pour l'abbé Jourdain qui rêve d'être envoyé au front, et sa propre hantise que la commission médicale le déclare à nouveau apte au service.

 

La vie tranchée est d'autant plus touchant que le témoignage y rejoint le roman : "Nos peines profiteront à ceux qui viendront après nous"...

 

Patricia Deschamps, novembre 2013


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