La Religieuse

de Denis DIDEROT (1796, posthume)

La vie claustrale est d'un fanatique ou d'un hypocrite.

180 p.
180 p.

Inspiré par une histoire vécue, Diderot imagine que la religieuse Suzanne Simonin raconte ses mésaventures en 1760. «Tuez plutôt votre fille que de l’emprisonner dans un cloître malgré elle, oui, tuez-la» : c’est ainsi que Suzanne Simonin, contrainte par sa famille à s’engager en religion, s’adresse à l’honnête marquis dont elle attend secours en lui racontant une vie semée d’épreuves et d’humiliations.  Spoliée de sa dot, elle séjourne dans trois couvents successifs en attendant la révocation de ses vœux.

Diderot décrit ce qui arrive lorsqu'on contredit « la pente générale de la nature ». « Je ne crois pas qu'on ait écrit une plus effroyable satire des couvents », disait-il. La Religieuse est aussi et surtout une chaleureuse apologie de la liberté individuelle.

(4e de couverture)

Mon avis :

bande annonce du film de Guillaume Nicloux (2013)
bande annonce du film de Guillaume Nicloux (2013)

J'ai trouvé ce livre dans la liste donnée à ma fille lycéenne par sa prof de spécialité "Humanités, littérature et philosophie". Une œuvre dénonçant l'engagement forcée d'une jeune fille dans la religion me semblait intéressante. S'adressant à un marquis dont elle attend qu'il défende sa cause dans les tribunaux et auprès du grand public afin que ses vœux, faits sous la contrainte ("Quand on vit qu'il était inutile de solliciter mon consentement, on prit le parti de s'en passer"), soient révoqués, Suzanne raconte son parcours et ses souffrances ("Il était décidé que je serais religieuse, et je le fus").

 

On apprend assez rapidement pourquoi Suzanne a été abandonnée à 16 ans au couvent par sa famille: elle est le fruit d'une "faute" commise par sa mère ("Peut-être mon père avait-il quelque incertitude sur ma naissance"). Cette (première) injustice arrange bien ses sœurs dont la dot ne sera que plus conséquente pour leur trouver un mari, d'autant que la benjamine est une concurrente sérieuse ("Je valais mieux que mes sœurs par les agréments de l'esprit et de la figure, le caractère et les talents"). Diderot pose ainsi la question des droits des enfants illégitimes.

 

Une fois au couvent, c'est à la fois l'absence de liberté individuelle et le carcan des rituels religieux qui sont mis en avant ("Le célibat, le renoncement, l'ensevelissement dans les cloîtres sont en contradiction avec les instincts les plus profonds de l'âme humaine").

Mais le pire est tout de même la description des différentes mères supérieures que Suzanne va connaître: la première est une maso friande de pénitences (les passages où Suzanne est battue, affamée, mise au cachot, humiliée sont très durs), la deuxième est une illuminée et la dernière une libertine (l'innocence de Suzanne face aux caresses et baisers frôle le ridicule). Il est tout de même incroyable de voir autant de méchanceté chez des femmes sensées servir Dieu (et ses créatures)... Diderot met aussi en cause le fondement même du christianisme: "Jésus-Christ a-t-il institué des moines et des religieuses?". Ce n'est pas tant la foi qui est contestée que ce que certains en font (un abus de pouvoir).

 

Face à toutes ces épreuves, la jeune Suzanne oscille entre courage et résignation. Elle fera tout ce qu'elle peut pour échapper à sa condition... mais une telle histoire peut difficilement avoir une fin heureuse.

Je n'ai pas trop compris l'intérêt des lettres à la suite des mémoires de Suzanne. C'est le site de la BNF qui m'a éclairée: "Le point de départ du roman serait une farce faite à un ami, le marquis de Croismare, pour le convaincre de rentrer à Paris. Poussé par Grimm et la joyeuse bande, Diderot imagine qu’une religieuse fait appel à lui pour l'aider à se faire relever de ses vœux."

 

Quant au film de Guillaume Nicloux (2013), c'est une version édulcorée du roman qui constitue presque un contresens à l'œuvre de Diderot. Il ne m'a rien apporté par rapport à l'œuvre. Par ailleurs cette dernière comporte trop de longueurs et d'exaltation pour que je la conseille à ma fille. Elle en choisira une autre dans la liste!

Patricia Deschamps, septembre 2022


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